Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome III.djvu/274

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Après avoir exposé les principales propriétés de l’or, nous devons indiquer aussi les moyens dont on se sert pour le séparer des autres métaux ou des matières hétérogènes avec lesquelles il se trouve souvent mêlé. Dans les travaux en grand, on ne se sert que du plomb, qui, par la fusion, sépare de l’or toutes ces matières étrangères en les scorifiant : on emploie aussi le mercure, qui, par amalgame, en fait pour ainsi dire l’extrait en s’y attachant de préférence. Dans les travaux chimiques, on fait plus souvent usage des acides. « Pour séparer l’or de toute autre matière métallique, on le traite, dit mon savant ami, M. de Morveau, soit avec des sels qui attaquent les métaux imparfaits à l’aide d’une chaleur violente, et qui s’approprient même l’argent qui pourrait lui être allié, tels que le vitriol, le nitre et le sel marin ; soit par le soufre ou par l’antimoine qui en contient abondamment ; soit enfin par la coupellation, qui consiste à mêler l’or avec le double de son poids environ de plomb, qui, en se vitrifiant, entraîne avec lui et scorifie tous les autres métaux imparfaits ; de sorte que le bouton de fin reste seul sur la coupelle, qui absorbe dans ses pores la litharge de plomb et les autres matières qu’elle a scorifiées[1]. » La coupellation laisse donc l’or encore allié d’argent : mais on peut les séparer par le moyen des acides, qui n’attaquent que l’un ou l’autre de ces métaux ; et comme l’or ne se laisse dissoudre par aucun acide simple, ni par le soufre, et que tous peuvent dissoudre l’argent, on a, comme l’on voit, plusieurs moyens pour faire la séparation ou le départ de ces deux métaux : on emploie ordinairement l’acide nitreux, il faut qu’il soit pur, mais non pas trop fort ou concentré ; c’est de tous les acides celui qui dissout l’argent avec plus d’énergie, et sans aide de la chaleur, ou tout au plus avec une petite chaleur pour commencer la dissolution.

En général, pour que toute dissolution s’opère, il faut non seulement qu’il y ait une grande affinité entre le dissolvant et la matière à dissoudre, mais encore que l’une de ces deux matières soit fluide pour pouvoir pénétrer l’autre, en remplir tous les pores et détruire par la force d’affinité celle de la cohérence des parties de la matière solide. Le mercure, par sa fluidité et par sa très grande affinité avec l’or, doit être regardé comme l’un de ses dissolvants, car il le pénètre et semble le diviser dans toutes ses parties ; cependant ce n’est qu’une union, une espèce d’alliage, et non pas une dissolution, et l’on a eu raison de donner à cet alliage le nom d’amalgame, parce que l’amalgame se détruit par la seule évaporation du mercure, et que d’ailleurs tous les vrais alliages ne peuvent se faire que par le feu, tandis que l’amalgame peut se faire à froid, et qu’il ne produit qu’une union particulière, qui est moins intime que celle des alliages naturels ou faits par la fusion ; et, en effet, cet amalgame ne prend jamais d’autre solidité que celle d’une pâte assez molle, toujours participant de la fluidité du mercure, avec quelque métal qu’on puisse l’unir ou le mêler. Cependant l’amalgame se fait encore mieux à chaud qu’à froid ; le mercure, quoique du nombre des liquides, n’a pas la propriété de mouiller les matières terreuses, ni même les chaux métalliques, il ne contracte d’union qu’avec les métaux, qui sont sous leur forme de métal : une assez petite quantité de mercure suffit pour les rendre friables, en sorte qu’on peut dans cet état les réduire en poudre par une simple trituration, et avec une plus grande quantité de mercure on en fait une pâte, mais qui n’a ni cohérence ni ductilité ; c’est de cette manière très simple qu’on peut amalgamer l’or, qui, de tous les métaux, a la plus grande affinité avec le mercure ; elle est si puissante qu’on la prendrait pour une espèce de magnétisme ; l’or blanchit dès qu’il est touché par le mercure, pour peu qu’il en reçoive les émanations ; mais dans les métaux qui ne s’unissent avec lui que difficilement, il faut pour le succès de l’amalgame employer le secours du feu, en réduisant d’abord le métal en poudre très fine et faisant ensuite chauffer le mercure à peu près au point où il commence à se volatiliser ; on fait en même temps et séparément

  1. Éléments de chimie, article de l’Or.