Aller au contenu

Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome III.djvu/30

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Dans l’Albigeois, à Carmeaux, la veine de charbon ne se trouve qu’a deux cents pieds, et elle fait son plateur à quatre cents pieds[1].

L’épaisseur des veines est aussi très différente dans les différents lieux : on vient de voir que toutes celles du pays de Liège sont très minces, puisque les plus fortes n’ont que cinq pieds et demi d’épaisseur dans la montagne de Saint-Gilles, et sept pieds dans quelques autres contrées de ce même pays. Mais il y a deux manières dont les charbons ont été déposés : la première en veines étendues sur des terrains en pente, et la seconde en masses sur le fond des vallées, et ces dépôts en masses seront toujours plus épais que les veines en pentes. Il y a de ces masses de charbon qui ont jusqu’à dix toises d’épaisseur : or, si les veines étaient partout très minces, on pourrait imaginer avec M. Genneté qu’elles ne sont en effet produites que par le suintement des bitumes des grosses couches intermédiaires ; mais comment concevoir qu’une masse de dix toises d’épaisseur ait pu se produire par cette voie ? On ne peut donc pas douter que ces masses si épaisses ne soient des dépôts de matière végétale accumulés l’un sur l’autre quelquefois jusqu’à soixante pieds d’épaisseur.

Quoique les veines soient à peu près parallèles les unes au-dessus des autres, cependant il arrive souvent qu’elles s’approchent ou s’éloignent beaucoup, en laissant entre elles de plus ou moins grandes distances en hauteur, et ces intervalles sont toujours remplis de matières étrangères dont les épaisseurs sont aussi variables et toujours beaucoup plus fortes que celle des couches de charbon : celles-ci sont en général assez minces ; et communément elles sont d’un pied, deux pieds, jusqu’à six ou sept d’épaisseur ; celles qui sont beaucoup plus épaisses ne sont pas des couches ou veines qui se prolongent régulièrement, mais plutôt, comme nous venons de l’exposer, des amas ou masses en dépôts qui ne se trouvent que dans quelques endroits, et dont l’étendue n’est pas considérable.

Les mines de charbon les plus profondes que l’on connaisse en Europe sont celles du comté de Namur qu’on assure être fouillées jusqu’à deux mille quatre cents pieds du pays[2], ce qui revient à peu près à deux mille pieds de France ; celles de Liège, où l’on est descendu à mille soixante-treize pieds ; celle de Whitehaven près de Moresby, qui passe pour être la plus profonde de toute la Grande-Bretagne, n’a que cent trente brasses, c’est-à-dire six cent quatre-vingt-treize de nos pieds : on y compte vingt couches ou veines de charbon les unes au-dessous des autres.

Dans toutes les mines de charbon et dans quelque pays que ce soit, les surfaces du banc de charbon par lesquelles il est appliqué au toit et au sol sont lisses, luisantes et polies, et on trouve souvent de petits lits durs et pierreux dans la veine même de charbon, lesquels la traversent et la suivent horizontalement. Le cours des veines est aussi assez fréquemment gêné ou interrompu par des bancs de pierre qu’on appelle des creins : ils n’ont ordinairement que peu d’étendue ; mais ils sont souvent d’une matière si dure qu’ils résistent à tous les instruments ; ces creins partent du toit ou du sol de la veine et quelquefois de tous les deux ; ils sont de la même nature que le banc inférieur ou supérieur auquel ils sont attachés. Les failles dont nous avons parlé sont d’une étendue bien plus considérable que les creins, et souvent elles terminent la veine ou du moins l’interrompent entièrement et dans une grande longueur ; elles partent de la plus grande profondeur, traversent toutes les veines et autres matières intermédiaires, et montent quelquefois jusqu’à la surface du terrain : dans le pays de Liège, elles ont pour la plupart quinze ou vingt toises d’épaisseur sans aucune direction ni inclinaison réglées ; il y en a de verticales, d’obliques et d’horizontales en tous sens ; elles ne sont pas de la même substance

  1. Mémoire sur le charbon minéral, par M. de Tilly, p. 13 et suiv.
  2. Du charbon de terre, etc., par M. Morand, p. 133.