Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome III.djvu/305

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duites par la stillation et le dépôt des eaux, l’argent se trouve souvent attaqué par les sels de la terre et se présente dans l’état de minéralisation sous différentes formes ; on peut voir par les listes des nomenclateurs en minéralogie, et particulièrement par celle que donne Vallérius, combien ces formes sont variées, puisqu’il en compte dix sortes principales et quarante-neuf variétés dans ces dix sortes ; je dois cependant observer qu’ici, comme dans tout autre travail des nomenclateurs, il y a toujours beaucoup plus de noms que de choses.

Dans la plupart des mines secondaires, l’argent se présente en forme de minerai pyriteux, c’est-à-dire mêlé et pénétré des principes du soufre, ou bien altéré par le foie du soufre et quelquefois par l’arsenic[1].

L’acide nitreux[NdÉ 1] dissout l’argent plus puissamment qu’aucun autre ; l’acide vitriolique le précipite de cette dissolution et forme avec lui de très petits cristaux qu’on pourrait appeler du vitriol d’argent ; l’acide marin, qui le dissout aussi, en fait des cristaux plus gros, dont la masse réunie par la fusion se nomme argent corné, parce qu’il est à demi transparent comme de la corne.

La nature a produit en quelques endroits de l’argent sous cette forme ; on en trouve en Hongrie, en Bohême et en Saxe, où il y a des mines qui offrent à la fois l’argent natif, l’argent rouge, l’argent vitré et l’argent corné[2] : lorsque cette dernière mine n’est point

    four construit exprès pour se rendre maître du degré de feu, on arrange l’un à côté de l’autre les tourteaux de cuivre noir tenant argent, auxquels on a mêlé environ un quart de plomb, suivant la quantité d’argent qui tient la masse de cuivre ; on met alors le feu dans le four, on place des charbons jusque sur les tourteaux. Ces pièces s’affaissent : le plomb, qui se fond plus aisément que le cuivre et qui a plus d’affinité avec l’argent, s’en charge et s’écoule à travers les pores du cuivre, tandis qu’il est encore solide ; le plomb et l’argent se réunissent dans la partie inférieure des plaques de fer ; on rassemble tout le plomb riche en argent, au moyen d’un second feu un peu plus fort où l’on fait ressuer la masse de cuivre ; il est aisé après cela de passer cet argent à la coupelle, de refondre le cuivre en lingots, et par là, la mine se trouve épurée de tout ce qu’elle contenait sans aucune perte.

    » Lorsque le plomb contient de l’argent, on coupelle en grand le plomb provenant de la première fonte, et on le convertit en litharge sur un foyer fait de cendres lessivées ; on lui donne un second affinage dans de vraies coupelles, et les débris de ces vaisseaux, ainsi que des fourneaux, et même la litharge qui ne serait pas reçue dans le commerce, sont remis au fourneau pour en revivifier le plomb. » Éléments de chimie, par M. de Morveau, t. Ier, p. 230 et 231.

  1. « La mine d’argent rouge est minéralisée par l’arsenic et le soufre ; elle est d’un rouge plus ou moins vif, tantôt transparente comme un rubis, tantôt opaque et plus ou moins obscure : elle est cristallisée de plusieurs manières, la plus ordinaire est en prismes hexaèdres, terminés par des pyramides obtuses. » Lettres de M. Demeste, t. II, p. 437. — J’observerai que c’est à cette mine qu’il faut rapporter la seconde variété que M. Demeste a rapportée à la mine d’argent vitreux, puisqu’il dit lui-même que ce n’est qu’une modification de la mine d’argent rouge, et que cette mine vitreuse contient encore un peu d’arsenic ; qu’elle s’égrène sous le couteau, loin de s’y couper. Voyez, idem, p. 436.
  2. Les mines riches de Saint-Andreasberg sont composées d’argent natif ou vierge, de mine d’argent rouge et de mine d’argent vitré : on vend, sur le pied de la taxe ou évaluation, ce qu’on trouve d’argent vierge et sans mélange ; ou bien on le fait imbiber dans le plomb d’un affinage. Comme ces sortes de mines riches se trouvent aussi fort souvent mêlées avec des mines ordinaires, et qu’un quintal de ce mélange contient jusqu’à cinquante marcs d’argent, on se contente de piler ces sortes de mines à sec, et on les fond ensuite crues ou sans les griller… À Joachimstal, en Bohême, on trouve de temps en temps, parmi les mines,
  1. Par « acide nitreux », Buffon entend l’acide azotique qui est, en effet, le meilleur dissolvant de l’argent. [Note de Wikisource : L’acide azotique est dénommé aujourd’hui acide nitrique.]