Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome III.djvu/310

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employer les hommes à des travaux vraiment utiles, on ferait un bien réel en défendant ceux de la fouille des mines d’or et d’argent, qui ne peuvent produire qu’une richesse fictive et toujours décroissante.

En Espagne, la mine de Guadalcanal, dans la Sierra-Morena ou montagne Noire, est l’une des plus fameuses ; elle a été travaillée dès le temps des Romains[1], ensuite abandonnée, puis reprise et abandonnée de nouveau, et enfin encore attaquée dans ces derniers temps : on assure qu’autrefois elle a fourni de très grandes richesses, et qu’elle n’est pas à beaucoup près épuisée ; cependant les dernières tentatives n’ont point eu de succès, et peut-être sera-t-on forcé de renoncer aux espérances que donnait son ancienne et grande célébrité. « Les sommets des montagnes autour de Guadalcanal, dit M. Bowles, sont tous arrondis, et partout à peu près de la même hauteur ; les pierres en sont fort dures, et ressemblent au grès de Turquie (Cos Turcica)… Il y a deux filons du levant au couchant, qui se rendent à la grande veine dont la direction est du nord au sud ; on peut la suivre de l’œil dans un espace de plus de deux cents pas à la superficie ; à une lieue et demie au couchant de Guadalcanal, il y a une autre mine dans un roc élevé ; la veine est renversée, c’est-à-dire qu’elle est plus riche à la superficie qu’au fond ; elle peut avoir seize pieds d’épaisseur, et elle est, comme les précédentes, composée de quartz et de spath. À deux lieues au levant de la même ville, il y a une autre mine dont la veine est élevée de deux pieds hors de la terre, et qui n’a que deux pieds d’épaisseur. Au reste, ces mines, qui se présentent avec de si belles apparences, sont ordinairement trompeuses ; elles donnent d’abord de l’argent ; mais en descendant plus bas on ne trouve plus que du plomb. » Ce naturaliste parle aussi d’une mine d’argent sans plomb, située au midi et à quelques lieues de distance de Zalamea. Il y a une mine d’argent dans la montagne qui est au nord de Lograso[2], et plusieurs autres dans les Pyrénées, qui ont été travaillées par les anciens, et qui maintenant sont abandonnées[3] ; il y en a aussi dans les Alpes et en plusieurs endroits de la Suisse. MM. Scheuchzer, Cappeler et Guettard en ont fait mention[4],

    bonnes mines de plomb et argent. Idem, t. II, p. 315. — Aux Corteilles, diocèse de Narbonne, il y a un très beau filon de mine d’argent, mêlée de blende. Idem, t. II, p. 188.

  1. Pline dit que l’argent le plus pur se tirait de l’Espagne, et que l’on y exploitait des mines d’or qui avaient été ouvertes par Annibal, et néanmoins n’étaient pas encore à beaucoup près épuisées. liv. xxx, chap. xxvii.
  2. Histoire naturelle d’Espagne, par M. Bowles, p. 63 et suiv. Cet auteur parle aussi de quelques autres mines du même canton, où l’on trouve de l’argent vierge, de l’argent vitré, etc.
  3. L’avarice a été souvent trompée par le succès des exploitations faites par les Phéniciens, les Carthaginois et les Romains. Les premiers, au rapport de Diodore de Sicile, trouvèrent tant d’or et d’argent dans les Pyrénées, qu’ils en mirent aux ancres de leurs vaisseaux ; on tirait en trois jours un talent euboïque en argent, ce qui montait à huit cents ducats. Enflammés par ce récit, des particuliers ont tenté des recherches dans la partie septentrionale des Pyrénées ; ils semblent avoir ignoré que le côté méridional a toujours été regardé comme le plus riche en métaux. Tite-Live parle de l’or et de l’argent que les mines de Huesca fournissaient aux Romains ; les monts qui s’allongent vers le nord jusqu’à Pampelune sont fameux, suivant Alphonse Barba, par la quantité d’argent qu’on en a tirée. Ils s’étendent aussi vers l’Èbre, dont la richesse est vantée par Aristote et par Claudien : « In Iberia narrant combustis aliquando à pastoribus sylvis, calenteque ex ignibus terra, manifestatum argentum defluxisse. Cumque postmodum terræ motus supervenissent, eruptis hiatibus magnam copiam argenti simul collectam. » Aristote, de Mirab. auscult. — L’histoire ne cite point les mines que les anciens ont exploitées du côté de France, ce qui prouve qu’elles leur ont paru moins utiles que les mines d’Espagne : aussi avons-nous remarqué que les entreprises tentées dans cette partie ont presque toujours été ruineuses. Essais sur la minéralogie des Pyrénées, in-4o, p. 244.
  4. M. Scheuchzer dit qu’il y a une mine d’argent à Johanneberg, à Baranvald… M. Cappeler dit que le cuivre mêlé à l’argent se montre de toutes parts dans le mont Spin,