le cristal ne pourrait se produire, puisque sa substance est un vrai quartz, sans mélange apparent d’aucune autre matière et que, quand on y trouve des corps étrangers, ils n’y sont que renfermés, enveloppés par accident, et non intimement et réellement mêlés.
M. Achard, très habile chimiste, de l’Académie de Berlin, ayant fait l’analyse chimique du rubis et d’autres pierres précieuses, et en ayant tiré de la terre alcaline, a pensé que le cristal de roche en contenait aussi, et dans cette idée il a imaginé un appareil très ingénieux pour former du cristal en faisant passer l’air fixe de la craie à travers du sable quartzeux et des diaphragmes d’argile cuite. M. le prince Galitzin, qui aime les sciences et les cultive avec grand succès, eut la bonté de m’envoyer au mois de septembre 1777 un extrait de la lettre que lui avait écrite M. Achard, avec le dessin de son appareil pour faire du cristal ; M. Magellan, savant physicien, de la Société royale de Londres, me fit voir quelque temps après un petit morceau de cristal qu’il me dit avoir été produit par l’appareil de M. Achard, et ensuite il présenta ce même cristal à l’Académie des sciences : les commissaires de cette compagnie firent exécuter l’appareil, et essayèrent de vérifier l’expérience de M. Achard ; j’engageai M. le duc de Chaulnes et d’autres habiles physiciens à prendre tout le temps et tous les soins nécessaires au succès de cette expérience, et néanmoins aucun n’a réussi, et j’avoue que je n’en fus pas surpris, car, d’après les procédés de M. Achard, il me paraît qu’on viendrait plutôt à bout de faire un rubis qu’un cristal de roche ; j’en dirai les raisons lorsque je traiterai des pierres précieuses, dont la substance, la formation et l’origine sont, selon moi, très différentes de celles du cristal de roche. En attendant, je ne puis qu’applaudir aux efforts de M. Achard, dont la théorie me paraît saine et peut s’appliquer à la cristallisation des pierres précieuses ; mais leur substance diffère de celle des cristaux, tant par la densité que par la dureté et l’homogénéité ; et nous verrons que c’est de la terre limoneuse ou végétale, et non de la matière vitreuse que le diamant et les vraies pierres précieuses tirent leur origine.
Tout cristal, soit en petites aiguilles dans les cailloux creux, soit en grosses et grandes quilles dans les cavités des rochers quartzeux, est donc également un extrait, une stalactite du quartz. Les cristaux plus ou moins arrondis que l’on trouve dans le sable des rivières ou dans les mines de seconde formation, et auxquels on donne les noms impropres de diamants de Cornouailles ou d’Alençon, ne sont que des morceaux de cristal de roche, détachés des rochers et entraînés par le mouvement des eaux courantes ; ils sont de la même essence, de la même pesanteur spécifique et de la même transparence ; ils ont de même une double réfraction, et ne diffèrent du cristal des montagnes qu’en ce qu’ils ont été plus ou moins arrondis par les frottements qu’ils ont subis. Il se trouve une grande quantité de ces cristaux arrondis dans les vallées des hautes montagnes et dans tous les torrents et les fleuves qui en découlent ; ils ne perdent ni n’acquièrent rien par leur long séjour dans l’eau, l’intérieur de leur masse n’est point altéré, leur surface est seulement recouverte d’une enveloppe ferrugineuse ou terreuse, qui n’est même pas fort adhérente, et lorsque cette croûte est enlevée, les cristaux qu’elle recouvrait présentent le même poli et la même transparence que le cristal tiré de la roche où il se forme.
Parmi les cristaux même les plus purs et les plus solides, il s’en trouve qui contiennent de l’eau et des bulles d’air, preuve évidente qu’ils ont été formés par le suintement ou la stillation de l’eau. Tavernier dit avoir vu, dans le cabinet du prince de Monaco, un morceau de cristal qui contenait près d’un verre d’eau[1] : ce fait me paraît exagéré ou mal vu, car les pierres qui renferment une grande quantité d’eau ne sont pas de vrais cristaux, mais des espèces de cailloux plus ou moins opaques. On connaît sous le nom d’enhydres[2] ceux qui sont à demi transparents et qui contiennent beaucoup d’eau ; on