Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome III.djvu/486

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cristaux d’améthyste ; toutes les pointes sont plus ou moins colorées, et les bases sont souvent toutes blanches comme le cristal.

On sait que le violet et le pourpre sont les couleurs intermédiaires entre le rouge et l’indigo ou bleu foncé ; le cristal de roche n’a donc pu devenir améthyste que quand le quartz qui l’a produit s’est trouvé imprégné de particules de cette même couleur violette ou pourprée ; mais, comme il n’y a aucun métal, ni même aucun minéral métallique qui produise cette couleur par la voie humide, et que le manganèse ne la donne au verre que par le moyen du feu, il faut avoir recours au mélange du rouge et du bleu pour la composition des améthystes ; or, ces deux couleurs du rouge et du bleu peuvent être fournies par le fer seul ou par le fer mêlé de cuivre : ainsi les améthystes ne doivent se trouver que dans les quartz de seconde formation, et qui sont voisins de ces mines métalliques en décomposition.

On trouve en Auvergne, à quatre lieues au nord de Brioude, une minière d’améthystes violettes, dont M. Le Monnier, premier médecin ordinaire du Roi et l’un de nos savants naturalistes de l’Académie, a donné une bonne description[1]. On trouve de semblables améthystes dans les mines de Schemnitz en Hongrie[2] ; on en a rencontré en Sibérie[3] et jusqu’au Kamtschatka[4] ; il s’en trouve aussi en plusieurs autres régions, et particulièrement en Espagne[5] ; celles de Catalogne ont une couleur pourprée, et ce sont les plus estimées[6] ; mais aucune de ces pierres n’a la dureté, la densité ni l’éclat des pierres précieuses, et toutes les améthystes perdent leur couleur violette ou pourprée lorsqu’on les expose à l’action du feu : enfin elles présentent tous les caractères et toutes les propriétés du cristal de roche ; l’on ne peut donc douter qu’elles ne soient de la même essence, et que leur substance, à la couleur près, ne soit absolument la même.

  1. Les bancs de cette carrière d’améthystes ne sont point horizontaux, ils sont au contraire en tables verticales posées sur leur champ, et la matière qui les sépare est le cristal d’améthyste, dont la dureté dépasse de beaucoup celle de la pierre, qui est cependant une gangue assez dure.

    Chaque veine d’améthyste a quatre travers de doigt d’épaisseur, et s’étend aussi loin que le rocher qu’elle accompagne dans une direction de l’est à l’ouest. Cette veine cristallisée n’adhère pas également aux deux tables entre lesquelles elle se trouve ; elle est intimement unie à l’une des deux, à peine est-elle seulement contiguë à l’autre. La surface qui tient fortement au rocher est composée de fibres réunies de chaque faisceau qui compose l’améthyste, et ce faisceau se termine de l’autre côté à une pyramide à cinq ou six faces souvent inégales, hautes d’environ six lignes, en sorte que la surface de cette croûte cristalline qui regarde le rocher auquel elle est le moins adhérente est toujours hérissée de pointes de diamant. Chaque pyramide est revêtue d’une croûte d’un blanc sale, mais l’intérieur est très souvent une améthyste de la plus belle couleur ; il s’en trouve de toutes les nuances, et j’en ai vu qui étaient aussi blanches que le plus beau cristal de roche. Ces pierres sont beaucoup plus parfaites et n’ont même de transparence que vers les pointes. Le milieu et l’autre extrémité sont presque toujours glaceux, les paysans des environs en cassent les plus beaux morceaux qu’ils vendent aux curieux. Observations d’Histoire naturelle, par M. Le Monnier ; Paris, 1739, p. 200 et suiv.

  2. Collection académique, partie étrangère, t. II, p. 257.
  3. Voyage de Gmelin en Sibérie, etc.
  4. Journal de physique, juillet 1781, p. 41.
  5. Histoire naturelle d’Espagne, par M. Bowles, p. 410.
  6. Pline, parlant de l’améthyste, nous apprend en passant quelle était la véritable teinte de la pourpre : « On s’efforçait, dit-il, de lui donner la belle couleur de l’améthyste de l’Inde, qui est, ajoute-t-il, la première et la plus belle des pierres violettes. Son éclat doux et moelleux semble remplir et rassasier tranquillement la vue sans la frapper de rayons pétillants comme fait l’escarboucle. » Liv. xxxvii, no 40.