Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome III.djvu/495

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pierre est également reconnaissable[1], il nous a conservé quelques traces de la grande estime qu’on en faisait en Orient dès la plus haute antiquité : « Les Assyriens lui donnaient, dit-il, le beau nom d’œil de Bélus, et l’avaient consacrée à ce dieu. »

Toutes ces pierres sont chatoyantes et ont à très peu près la même densité que le feldspath[2], auquel on doit par conséquent les rapporter par deux caractères ; mais il y a une autre pierre à laquelle on a donné le nom d’œil de chat noir ou noirâtre, dont la densité est bien plus grande, et que par cette raison nous rapporterons au schorl.


ŒIL DE POISSON

Il me paraît que l’on doit encore regarder comme un produit du feldspath la pierre chatoyante à laquelle on a donné le nom d’œil de poisson, parce qu’elle est à peu près de la même pesanteur spécifique que ce verre primitif[3].

Dans cette pierre œil de poisson, la lumière est blanche et roule d’une manière uniforme, le reflet en est d’un blanc éclatant et vif lorsqu’elle est taillée en forme arrondie et polie avec soin : « La plupart des pierres chatoyantes, dit très bien M. Demeste, ne sont que des feldspaths d’un tissu extrêmement fin, que l’on taille en goutte de suif ou en cabochon pour donner à la pierre tout le jeu dont elle est susceptible. » Cette pierre œil de poisson, quoique assez rare, n’est pas d’un grand prix, parce qu’elle n’a que peu de dureté, et qu’elle est sans couleur ; elle paraît laiteuse et bleuâtre lorsqu’on la regarde obliquement, mais, au reflet direct de la lumière, elle est d’un blanc éclatant et très intense : à ce caractère, et en se fondant sur le sens étymologique, il me paraît que l’on pourrait prendre l’argyrodamas de Pline pour notre œil de poisson ; car il n’est aucune pierre qui joigne à un beau blanc d’argent plus d’éclat et de reflet, et qui par conséquent puisse à plus juste titre, quoique toujours improprement, recevoir le nom de diamant d’argent[4] : et cela étant, la pierre gallaïque du même naturaliste serait une variété de notre pierre œil de poisson, puisqu’il la rapporte lui-même à son argyrodamas[5]. Au reste, cette pierre œil de poisson est ainsi nommée parce qu’elle ressemble, par sa couleur, au cristallin de l’œil d’un poisson.


ŒIL DE LOUP

La pierre appelée œil de loup est de même un produit du feldspath ; elle est chatoyante, et probablement mêlée de parties micacées qui en augmentent le volume et diminuent la masse : cette pierre œil de loup, moins dense que le feldspath[6], paraît faire la

  1. « Beli oculus albicans pupillam cingit nigram, è medio aureo fulgore luscentem. Hæ, propter speciem, sacratissimo Assyriorum Deo dicantur. » Lib. xxxvii, no 45.
  2. La pesanteur spécifique du feldspath blanc est de 26 466 ; celle de l’œil de chat mordoré est de 26 667 ; de l’œil de chat jaune 25 573, et de l’œil de chat gris de 25 675.
  3. La pesanteur spécifique de la pierre œil de poisson est de 25 782, ce qui est à peu près le terme moyen entre la pesanteur spécifique 26 466 du feldspath blanc, et 24 378, pesanteur spécifique du feldspath rougeâtre.
  4. « Argyrodamas. »
  5. « Gallaïca argyrodamanti similis est, paulò sordidior. » Lib. xxxvii, no 59.
  6. La pesanteur spécifique de la pierre œil de loup n’est que de 23 507, tandis que celle de l’œil de poisson est de 25 782.