Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome III.djvu/55

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en faire l’extrait dans la note ci-jointe, parce que les faits qu’il rapporte sont autant de preuves du changement des matières végétales en véritable charbon, et de la différence des formes que prend le bitume en se durcissant ; mais le récit de ce savant observateur me paraît plutôt prouver que le bitume s’est formé dans l’arbre même, et a été ensuite comme extravasé, et non pas qu’un bitume étranger soit venu, comme il le croit, pénétrer ces troncs d’arbres, et former ensuite à leur surface de petites protubérances : ce qui me confirme dans cette opinion, c’est l’expérience que j’ai faite[1] sur un gros morceau de cœur de chêne que j’ai tenu pendant près de douze ans dans l’eau pour reconnaître jusqu’à quel point il pouvait s’imbiber d’eau ; j’ai vu se former au bout de quelques mois, et plus encore après quelques années, une substance grasse et tenace à la surface de ce bloc de bois ; ce n’était que son huile qui commençait à se bituminiser. On essuyait à chaque fois ce bloc pour avoir son poids au juste ; sans cela, l’on aurait vu le bitume se former en petites protubérances dans cette substance grasse, comme M. Tozzetti l’a observé sur les troncs d’arbres de Saint-Cerbone.

On voit, dans les Mémoires de l’Académie de Stockholm, qu’il y a des mines de charbon en Suède, surtout dans la Scanie ou Gothie méridionale. Dans celles qui sont voisines

    Dans le charbon qu’on tire promptement de la terre, les surfaces extérieures de ces petits corps multipliés, étant aplanies et contiguës les unes aux autres, forment une croûte aplanie aussi d’un bout à l’autre ; mais, à mesure que le charbon se dessèche, cette croûte paraît pleine de petites fentes occasionnées par le retirement de ces corps et par leur séparation mutuelle : les couches aplanies, formées par les pierreries, sont irrégulières et éparses çà et là sur le tronc du charbon fossile ; elles sont, outre cela, doubles, c’est-à-dire que l’une incruste une face, l’autre une autre ; et elles se rencontrent réciproquement avec les surfaces des corpuscules renfermés dans les petites écuelles. Précisément dans l’endroit où ces deux couches se rencontrent, la masse du charbon fossile reste sans liaison et comme coupée ; de là vient que ces grands troncs se rompent si facilement et se subdivisent en massifs de diverses figures et de diverses grosseurs : ces subdivisions, si aisées à faire, sont cause que, dans les endroits où le charbon fossile se transporte, on a de la peine à comprendre que les morceaux qu’on en voit soient des portions d’un grand tronc d’arbre, comme on le reconnaît aisément dans les lieux où il se trouve.

    On y voit encore plusieurs masses bitumineuses incrustées de pierreries, mais détachées entièrement de l’arbre. M. Tozzetti soupçonne que dans leur origine elles faisaient portion d’un tronc de charbon fossile, anciennement rompu, qui était resté enseveli dans la terre. Notre physicien ne serait pas non plus éloigné de croire que ce fût du bitume qui, n’ayant pas trouvé une matière végétale pour s’y attacher, se serait coagulé lui-même ; il est certain qu’en rompant quelques-unes de ces coagulations détachées, on n’y découvre point les fibres longitudinales du bois, qui en sont les marques distinctives, mais on y voit seulement un amas prodigieux de globules rangés par ordre, et semblables à des rayons qui partent d’un centre et qui aboutissent à une circonférence : il faut ajouter qu’à la surface de ces coagulations les corpuscules qui remplissent les petites écuelles sont moins écrasés par dehors que ceux des couches formées sur les troncs des charbons fossiles, ce qui ferait croire que, dans le premier cas, ils ont eu la liberté de s’étendre autant qu’ils pouvaient, sans trouver de résistance dans des corpuscules contigus : ce n’est pas tout, M. Tozzetti trouve encore une preuve de coagulation de bitume pur dans une autre masse toute pleine de globules, et dans laquelle il ne découvre pas la moindre trace de plante.

    Telle est la nature de ces charbons fossiles ; l’auteur y joint leur usage : ils ont de la peine à s’allumer, mais, lorsqu’ils le sont une fois, ils produisent un feu extrêmement vif, et restent longtemps sans se consumer ; d’ailleurs, ils répandent une odeur désagréable qui porte à la tête et aux poumons, précisément comme le charbon d’Angleterre, et la cendre qui en résulte est de couleur de safran. Journal étranger, mois d’août 1755, p. 97 jusqu’à 103.

  1. Voyez tome IX.