cette tranchée, après s’être prolongée à un pouce et quelquefois jusqu’à dix-huit lignes de longueur, se replie sur elle-même et forme une seconde ligne parallèle qui n’est séparée de la première que par une cloison très mince de matière coquilleuse : cette cloison sépare les deux tranchées dans lesquelles le ver a fait sa route en allant et revenant, et on en voit l’entrée et la sortie au bord de la coquille. On peut insinuer de longues épingles dans chacun de ces orifices, et la position parallèle de ces épingles démontre que les deux tranchées faites par le ver sont également parallèles ; il y a seulement au bout de ces tranchées une petite portion circulaire qui forme le pli dans lequel le ver a commencé à changer de route pour retourner vers les bords de la coquille. Comme ces petits chemins couverts sont pratiqués dans la partie la plus voisine du têt intérieur, il se forme bientôt un épanchement du suc nacré qui produit une protubérance dans cette partie : cette espèce de saillie peut être regardée comme une perle longitudinale adhérente à la nacre ; et lorsque plusieurs de ces vers travaillent à côté les uns des autres, et qu’ils se réunissent à peu près au même endroit, il en résulte une espèce de loupe nacrée avec des protubérances irrégulières. Il existe au Cabinet du Roi une de ces loupes de perle : on y distingue plusieurs issues qui ont servi de passage à ces vers.
» Un autre animal beaucoup plus gros, et qui est de la classe des coquillages multivalves, attaque avec beaucoup plus de dommage les coquilles à perles : celui-ci est une pholade de l’espèce des dattes de mer. Je possède dans mon Cabinet une huître de la côte de Guinée, percée par ces pholades qui existent encore en nature dans le talon de la coquille : ces pholades ont leur charnière formée en bec croisé.
» La pholade perçant quelquefois la coquille en entier, la matière de la nacre s’épanche dans l’ouverture et y forme un noyau plus ou moins arrondi, qui sert à boucher le trou ; quelquefois le noyau est adhérent, d’autres fois il est détaché.
» J’ai fait pêcher moi-même, au mois d’octobre 1784, dans le lac Tay, situé à l’extrémité de l’Écosse, un grand nombre de moules d’eau douce dans lesquelles on trouve souvent de belles perles ; et en ouvrant toutes celles qui avaient la coquille percée, je ne les ai jamais trouvées sans perles, tandis que celles qui étaient saines n’en avaient aucune ; mais je n’ai jamais pu trouver des restes de l’animal qui attaque les moules du lac Tay pour pouvoir déterminer à quelle classe il appartient.
» Cette observation, qui a été faite probablement par d’autres que par moi, a donné peut-être l’idée à quelques personnes qui s’occupent de la pêche des perles de percer les coquilles pour y produire des perles ; car j’ai vu, au Muséum de Londres, des coquilles avec des perles, percées par un petit fil de laiton rivé à l’extérieur, qui pénétrait jusqu’à la nacre dans des parties sur lesquelles il s’est formé des perles. » On voit, par cette observation de M. Faujas de Saint-Fond et par une note que M. Broussonnet, professeur à l’École vétérinaire, a bien voulu me donner sur ce sujet[1], qu’il doit se former des perles dans les coquilles nacrées lorsqu’elles sont percées par des vers ou coquillages à tarière, et il se peut qu’en général la production des perles tienne autant à cette cause extérieure qu’à la surabondance et l’extravasation du suc coquilleux qui sans doute est fort rare dans
- ↑ On voit à Londres des coquilles fluviatiles apportées de la Chine, sur lesquelles on voit des perles de différentes grosseurs ; elles sont formées sur un morceau de fil de cuivre avec lequel on a percé la coquille, et qui est rivé en dehors. On ne trouve ordinairement qu’un seul morceau de fil de cuivre dans une coquille ; on en voit rarement deux dans la même. On racle une petite plaque de la face interne des coquilles fluviatiles vivantes, en ayant soin de les ouvrir avec la plus grande attention, pour ne point endommager l’animal : on place, sur l’endroit de la nacre qu’on a raclée, un très petit morceau sphérique de nacre ; cette petite boule, grosse comme du plomb à tirer, sert de noyau à la perle. On croit qu’on a fait des expériences à ce sujet en Finlande : et il paraît qu’elles ont été répétées avec succès en Angleterre. Note communiquée par M. Broussonnet à M. de Buffon, 20 avril 1785.