Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome III.djvu/643

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

riens, avec quelles cérémonies superstitieuses on tirait ces bols de leurs minières du temps d’Homère, d’Hérodote, de Dioscoride et de Galien[1] ; on peut voir, dans les observations de Belon, les différences de ces terres sigillées, et ce qui se pratiquait de son temps pour les extraire et les travailler[2].

  1. Minéralogie de Bomare, t. Ier, p. 64.
  2. Après avoir retiré plusieurs sceaux et différentes espèces de terres scellées que nous pûmes recouvrer, nous nous proposâmes de passer en Lemnos pour en savoir la vérité et pour apprendre à discerner les vraies des fausses, et les décrivîmes comme s’ensuit : Le plus antique sceau, au récit des Grecs et des Turcs, est d’une sorte qui n’est guère plus large que le pouce, et n’a que quatre lettres en tout, dont celles qui sont à côté sont comme deux crochets, et les autres lettres du milieu fort entortillées, comme serait le caractère qui vaut autant à dire comme une once médicinale ; et par le milieu du sceau, entre toutes les lettres, il n’y a que quatre points, duquel sceau la terre est si grasse qu’elle semble être du suif, et obéit aux dents quand on la mâche, et n’est guère sablonneuse, sa couleur est de pâle en rougissant sur l’obscur ; il y en a encore d’une autre sorte qui est en petits pains de la grandeur de la susdite ; mais les caractères du sceau sont un peu plus grands, et il n’y a que trois lettres en tout avec sept petits points, dont la terre est un peu plus rougissante que la première, et a quelque aigreur au goût, et quand on la mâche, on y trouve quelques petites pierres sablonneuses ; elle est plus maigre que la susdite, mais est autant estimée en bonté. Il y a encore une autre sorte de petits grains ou pastilles de terre scellée de la même grandeur des susdites, mais les lettres sont différentes, car elle a comme un crochet ressemblant à un haim à prendre le poisson, qui est entre les deux autres lettres ressemblant au chiffre d’une once qui est le ; et sa couleur est différente aux deux autres des susdites, car elle est mouchetée de petites taches de terre blanche mêlée avec la rouge ; la quatrième espèce est plus claire en rougeur, et plus pâle que nulle des autres, de laquelle nous avons observé trois différences de sceaux en même terre. La terre scellée, plus commune à Constantinople, est pour la plupart falsifiée et est formée de plus grands tourteaux que ne le sont les autres, aussi est d’autre couleur, car les autres tirent sur le rouge, mais celle-là est de jaune paillé, et ainsi comme elle est fausse, aussi l’on en trouve en plus grande quantité ; encore en trouve-t-on de deux autres espèces différentes, tant en forme qu’en lettres, lesquelles on estime être du nombre des plus vraies, et n’ont différence, sinon que l’une est plus chargée de sablon que n’est l’autre, et ont quasi une même saveur ; aussi sont-elles rares. L’on en trouve encore une autre espèce qui est falsifiée avec du bolus armenius détrempé, et puis scellée, et d’un sceau de caractères différents aux deux derniers, mais de même grandeur, et n’a que deux lettres en tout qui sont fort retorses. Il y en a encore d’une autre sorte, formée en pains mal bâtis, qui sont plus ronds que nuls des autres, et sont de la grosseur d’une noix, qui serait quasi comme le jarret, n’était qu’ils sont quelque peu aplatis en les scellant ; nous les avons trouvés être des plus nets que nuls autres. Encore est une autre espèce de sceau peu commun par les boutiques, lequel avons seulement trouvé en deux boutiques à Constantinople ; aussi son prix est plus haut que nul des autres, et est de saveur plus aromatique, tellement qu’on dirait, à l’éprouver au goût, que l’on y ait ajouté quelque chose qui lui donne telle saveur, mais c’est le naturel de la terre qui est telle, c’est l’un des sceaux où il y a le plus de caractères en l’impression ; la terre en est quelque peu sablonneuse, de couleur rougissante en obscur.

    Voilà donc que toutes les terres scellées ne sont pas d’une même couleur ; car souvent advient qu’on les trouve dès sa veine de plus blanche couleur, l’autre fois plus rouge, et quelquefois mêlée des deux. Ceux qui éprouvent la terre scellée au goût en ont plus certain jugement, la trouvant aromatique en la bouche et quelque peu sablonneuse, que les autres qui essaient de la faire prendre à la langue ; toutes lesquelles différences écrivîmes et mîmes en peinture étant à Constantinople, et les portâmes en l’île de Lemnos, où est le lieu et veine d’où l’on tire icelle terre. Mais l’on n’a point accoutumé d’en tirer, sinon à un seul jour de l’année, qui est le sixième jour du mois d’août : or, avant que de partir de Constantinople, nous enquîmes de tous les mariniers d’une barque qui était arrivée de Lemnos, s’ils avaient apporté de la terre ; tous répondirent qu’il était impossible d’en recouvrer, sinon par