Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome IV, Partie 1.djvu/147

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L’expérience nous apprend, dit M. Æpinus, que le fer exposé à un froid très âpre devient beaucoup plus dur et plus cassant : ainsi, lorsqu’on aimante une barre de fer, le degré de la force qu’elle acquiert dépend, selon lui, en grande partie du degré de froid auquel elle est exposée, en sorte que la même barre aimantée de la même manière n’acquiert pas, dans l’été, la même vertu que dans l’hiver, surtout pendant un froid très rigoureux ; néanmoins, ce savant physicien convient qu’il faudrait confirmer ce fait par des expériences exactes et réitérées[1]. Au reste, on peut assurer qu’en général la grande chaleur et le grand froid diminuent la vertu magnétique des aimants et des fers aimantés, en modifiant leur état et en les rendant par là plus ou moins susceptibles de l’action de l’électricité générale[2].

On peut voir, dans l’Essai sur le fluide électrique de M. Tressan, une expérience du docteur Knight, que j’ai cru devoir rapporter ici parce qu’elle est relative à l’aimantation du fer et d’ailleurs parce qu’elle peut servir à rendre raison de plusieurs autres expériences surprenantes en apparence, et dont la cause a été pendant longtemps cachée aux physiciens[3]. Au reste, elle s’explique très aisément par la répulsion des pôles semblables et l’attraction des pôles de différent nom.


  1. M. Æpinus dit s’être assuré que le fer dur conserve sa vertu magnétique beaucoup plus que le fer tendre ; il dit aussi que ce fer dur l’acquiert au plus haut degré en restant très longtemps dans la situation favorable au magnétisme, et que, quand les fers durs se trouvent dans cette position convenable pendant plusieurs années, ils prennent une si grande force magnétique, que ces aimants, produits par le temps, sont quelquefois plus vigoureux que les aimants tirés immédiatement de leurs mines… (Voyez l’ouvrage de M. Æpinus, qui a pour titre : Tentamen theoriæ electricitatis et magnetismi ; Pétropoli, 1759, in-4o, nos 345 et 367.)
  2. M. de Rozières, que nous avons déjà cité, l’a prouvé par plusieurs expériences… (Lettre de M. de Rozières, capitaine au corps royal du génie, à M. le comte de Buffon, du 14 décembre 1786.)
  3. « L’expérience, dit M. de Tressan, la plus singulière à faire sur les aimants artificiels du docteur Knight, est celle dont il m’envoya les détails de Londres en 1748, avec l’appareil nécessaire pour la répéter. Non seulement M. Knight avait déjà trouvé alors le secret de donner un magnétisme puissant à des barres de quinze pouces de longueur, faites d’un acier parfaitement dur, telles que celles qui sont aujourd’hui connues ; mais il avait inventé une composition, dont il s’est réservé le secret, avec laquelle il forme de petites pierres d’une matière noire (en apparence pierreuse et métallique). Celles qu’il m’a envoyées ont un pouce de long, huit lignes de large et deux bonnes lignes d’épaisseur ; il y a joint plusieurs petites balles de la même composition ; les petites balles que j’ai ont, l’une cinq, l’autre quatre, et les autres trois lignes de diamètre. Il nomme ces petites sphères terrella.

    » Je fus moins surpris de trouver un fort magnétisme dans les petits carrés longs, que je ne le fus de le trouver égal dans les petites terrella, dont les pôles sont bien décidés et bien fixes, ces petites sphères s’attirant et se repoussant vivement, selon les pôles qu’elles se présentent.

    » Je préparai donc (selon l’instruction que j’avais reçue de M. Knight) une glace bien polie et posée bien horizontalement ; je disposai en rond cinq de ces terrella, et je plaçai au milieu un de ces aimants factices de la même matière, lequel je pouvais tourner facilement sur son centre ; je vis sur-le-champ toutes les terrella s’agiter et se retourner pour présenter à l’aimant factice la polarité correspondante à la sienne ; les plus légères furent plusieurs fois attirées jusqu’au contact, et ce ne fut qu’avec peine que je parvins à les placer à la distance proportionnelle, en raison composée de leurs sphères d’activité respective. Alors, en tournant doucement l’aimant factice sur son centre, j’eus la satisfaction de voir toutes ces terrella tourner sur elles-mêmes, par une rotation correspondante à celle de cet aimant ; et cette rotation était pareille à celle qu’éprouve une roue de rencontre, lorsqu’elle est mue par une autre roue à dents ; de sorte que, lorsque je retournais