Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome IV, Partie 1.djvu/22

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tive des corps transparents devient d’autant plus grande qu’ils ont plus d’affinité avec la lumière ; et l’on ne doit pas douter que ces corps ne contractent cette plus forte affinité par la plus grande quantité de feu qu’ils contiennent, car ce feu fixe agit sur le feu libre de la lumière et rend la réfraction des substances combustibles d’autant plus forte qu’il réside en plus grande quantité dans ces mêmes substances.

On trouve les diamants dans les contrées les plus chaudes de l’un et l’autre continent ; ils sont également combustibles ; les uns et les autres n’offrent qu’une simple et très forte réfraction : cependant la densité et la dureté du diamant d’Orient surpassent un peu celles du diamant d’Amérique[1]. Sa réfraction paraît aussi plus forte et son éclat plus vif ; il se cristallise en octaèdre, et celui du Brésil en dodécaèdre : ces différences doivent en produire dans leur éclat, et je suis persuadé qu’un œil bien exercé pourrait les distinguer[2].

M. Dufay, savant physicien, de l’Académie des sciences, et mon très digne prédécesseur au Jardin du Roi, ayant fait un grand nombre d’expériences sur des diamants de toutes couleurs, a reconnu que tous n’avaient qu’une simple réfraction à peu près égale ; il a vu que leurs couleurs, quoique produites par une matière métallique, n’étaient pas fixes, mais volatiles, parce que ces couleurs disparaissent en faisant chauffer fortement ces diamants colorés dans une pâte de porcelaine : il s’est aussi assuré sur un grand nombre de diamants que les uns conservaient plus longtemps et rendaient plus vivement que les autres la lumière dont ils s’imbibent, lorsqu’on les expose aux rayons du soleil ou même à la lumière du jour ; ces faits sont certains, mais je me rappelle que, m’ayant communiqué ses observations, il m’assura positivement que les diamants naturels qu’on appelle pointes naïves ou natives, et qui n’ont pas été taillés, sont tous cristallisés en cubes ; je n’imagine pas comment il a pu se tromper sur cela, car personne n’a peut-être manié autant de diamants taillés ou bruts : il avait emprunté les diamants de la couronne et ceux de nos princes pour ses expériences, et, d’après cette assertion de M. Dufay, je doute encore que les diamants de l’ancien continent soient tous octaèdres, et ceux du Brésil tous dodécaèdres ; cette différence de forme n’est probablement pas la seule et semble nous indiquer assez qu’il peut se trouver dans les diamants d’autres formes de cristallisation, dont M. Dufay assurait que la cubique était la plus commune. M. Daubenton, de l’Académie des sciences, et garde du Cabinet du Roi, a bien voulu me communiquer les recherches ingénieuses qu’il a faites sur la structure du diamant : il a reconnu que les huit faces triangulaires du diamant octaèdre brut sont partagées par des arêtes, en sorte que ces faces triangulaires sont

  1. La pesanteur spécifique du diamant blanc oriental octaèdre est de 35 212 ; celle du diamant oriental couleur de rose, de 35 310 ; et la pesanteur spécifique du diamant dodécaèdre du Brésil n’est que de 34 444. Tables de M. Brisson. — Cette estimation ne s’accorde pas avec celle que M. Ellicot a donnée dans les Transactions philosophiques, année 1745, no 176. La pesanteur spécifique du diamant d’Orient est, selon lui, de 3 517 ; et celle du diamant du Brésil, de 3 513, différence si petite qu’on pouvait la regarder comme nulle ; mais, connaissant l’exactitude de M. Brisson et la précision avec laquelle il fait ses expériences, je crois que nous devons nous en tenir à sa détermination ; cependant on doit croire qu’il y a, tant en Orient qu’au Brésil, des diamants spécifiquement plus pesants les uns que les autres et que, probablement, M. Ellicot aura comparé le poids spécifique d’un des plus pesants du Brésil avec un des moins pesants d’Orient.
  2. Le diamant d’Orient cristallise en octaèdres parfaits, quelquefois tronqués légèrement, soit dans les angles, soit dans leurs bords… Le diamant du Brésil se rapporte beaucoup, par la cristallisation, au grenat dodécaèdre : cette forme semble indiquer que le diamant du Brésil n’est pas combiné aussi parfaitement que celui d’Orient, aussi est-il moins dur, moins pesant, moins parfait. Lettres de M. Demeste, t. Ier, p. 407. — Les diamants orientaux ont plus de dureté, de vivacité et de jeu que ceux du Brésil ; un œil exercé ne s’y méprend presque jamais. (Note communiquée par M. Hoppé, commis d’ambassade de Sa Majesté impériale apostolique, amateur et connaisseur très exercé.)