Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome IV, Partie 1.djvu/37

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les teintes de bleu[1], depuis l’indigo jusqu’au bleu pâle : les saphirs d’un bleu céleste sont plus estimés que ceux dont le bleu est plus foncé ou plus clair, et, lorsque ce bleu se trouve mêlé de violet ou de pourpre, ce qui est assez rare, les lapidaires donnent à ce saphir le nom d’améthyste orientale. Toutes ces pierres bleues ont une couleur suave, et sont plus ou moins resplendissantes au grand jour, mais elles perdent cette splendeur et paraissent assez obscures aux lumières.

J’ai déjà dit, et je crois devoir répéter que les rubis, topazes et saphirs ne sont pas, comme les cristaux, attachés aux parois des fentes des rochers vitreux ; c’est dans les sables des rivières et dans les terrains adjacents qu’on les rencontre sous la forme de petits cailloux, et ce n’est que dans les régions les plus chaudes de l’Asie, de l’Afrique et de l’Amérique qu’ils peuvent se former et se forment en effet. Il n’y a que les saphirs trouvés dans le Velay qui fassent exception à ce fait général[2], en supposant qu’ils

  1. Les joailliers en ont quatre espèces, savoir : 1o le saphir bleu oriental ; 2o le saphir blanc ; 3o le saphir à couleur d’eau ; 4o le saphir à couleur de lait.

    Le premier, ou le beau saphir bleu oriental, surpasse de beaucoup l’occidental ; il se distingue en mâle et femelle, par rapport à sa couleur plus ou moins foncée : il vient de l’île de Ceylan et de Pégu, de Bisnagar, de Cananor, de Calicut, et d’autres endroits des Indes orientales.

    Le second vient principalement des mêmes lieux : c’est un vrai saphir sans couleur, qui a la même dureté que le premier, et qui l’égale en éclat et en transparence.

    Le troisième est le saphir occidental ; il nous vient principalement de la Bohême et de la Silésie : il a différents degrés de couleur bleue, mais il n’approche jamais de l’oriental, ni en couleur ni en dureté, car la matière de sa décomposition approche plus de celle du cristal commun que de celle du vrai saphir.

    Le quatrième, ou le saphir couleur de lait, est le moins dur et le moins estimable de tous ; c’est le leuco-saphirus des auteurs ; on nous l’apporte de Silésie, de Bohême et d’autres lieux : il est transparent, d’une couleur de lait teinte légèrement de bleu.

    Le saphir oriental perd sa couleur au feu sans perdre son éclat ou sa transparence, en sorte qu’il sert quelquefois à contrefaire le diamant, de même que le saphir naturellement blanc ; mais, quoique ces deux espèces soient de très belles pierres, il s’en faut beaucoup qu’elles aient la dureté et le brillant du diamant, ce qu’un œil éclairé n’aura pas de peine à découvrir. Hill, Histoire des fossiles, p. 86. — Je dois observer, sur ce passage de M. Hill » que ces deux dernières espèces de saphirs qui se trouvent en Allemagne ne sont, comme il paraît le soupçonner lui-même, que des cristaux vitreux.

  2. Il y a quelques saphirs dans le sable ferrugineux d’Expailly (pays volcanique du Velay), mêlés avec les grenats et les hyacinthes. Je puis assurer que ce sont de vrais saphirs et non des cristaux de roche colorés, ainsi que l’avaient cru quelques naturalistes.

    J’ai vu un prisme hexagone de quatre lignes de longueur sur deux de diamètre, tronqué, sans pyramide, mais s’amincissant par un des bouts en manière de quille ; de sorte que c’est ici ou un cristal entier de saphir, ou une portion d’un cristal de l’espèce des saphirs d’Orient, cristallisé sous la forme de deux pyramides oblongues, hexagones, opposées base à base.

    Ce saphir d’Expailly est d’un bleu velouté foncé, des plus vifs et des plus agréables ; il offre un accident singulier : on voit, à la base du prisme qui n’a point été rompu, un double triangle, ou un triangle dans l’autre en relief, d’une régularité surprenante.

    J’ai vu un autre saphir du même lieu et de même cristallisation, mais beaucoup plus gros que le précédent, ayant cinq lignes de longueur sur quatre de diamètre dans sa base à pyramide hexagone oblongue, qui s’amincit vers le bout. Cette pierre offre une singularité bien étonnante : vue au grand jour en la tenant par les deux bouts, c’est-à-dire en regardant à travers les faces du prisme, elle est claire et transparente et d’un vert d’émeraude ; si, au contraire, on la considère en présentant l’œil à la base de ce cristal, comme si on voulait regarder l’autre extrémité et lire au fond du cristal, elle paraît d’un très beau bleu, de sorte que ce cristal, vu dans un sens, est vert, et bleu, vu dans un autre. Recherches sur les volcans éteints, par M. Faujas de Saint-Fond, p. 187 et 188.