Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome IV, Partie 1.djvu/63

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bien à la simple vue, et qui n’y seraient sûrement pas si elle avait été soumise à l’amalgame.

» C’est ce même amalgame mal rassemblé qui laisse quelquefois après lui des gouttes de vif-argent qu’on a cru devoir exister dans le platine ; c’est une erreur dont on doit d’autant mieux se désabuser que, excepté les mines de Guanca-Velica au Pérou, on n’a pu découvrir jusqu’à présent aucune mine de mercure ou de cinabre dans toute l’Amérique espagnole[1], nonobstant les grandes récompenses promises par le gouvernement.

» C’est aux deux cours des monnaies de Sainte-Foi et de Popayan que se porte tout l’or du Choco, pour y être monnayé ; là se fait un second triage du platine qui pourrait être resté avec l’or ; les officiers royaux le gardent, et, quand il y en a une certaine quantité, ils vont avec des témoins le jeter dans la rivière de Bogota, qui passe à deux lieues de Sainte-Foi, et dans celle de Caouca, à une lieu de Popayan : il paraît qu’aujourd’hui ils l’envoient en Espagne.

» On trouve toujours le platine mêlé avec l’or, dans la proportion d’une, deux, trois, quatre onces, et davantage par livre d’or ; les grains de ces deux matières ont à peu près la forme et la même grosseur, ce qui est très digne d’être remarqué.

» Si la proportion du platine avec l’or est plus considérable, alors on travaille peu la mine, ou même on l’abandonne, parce que la quantité de ces deux métaux ensemble étant à peu près la même que celle d’une autre mine où on ne tirerait que de l’or pur, il s’ensuit que, quand la proportion du platine est trop considérable, celle de l’or, décroissant en même raison, n’offre plus les mêmes avantages pour pouvoir la travailler avec profit, et c’est pour cela qu’on la laisse : il ne serait pas moins intéressant de s’assurer si cette substance ne se rencontrerait pas seule et sans mélange d’or dans des mines qui lui seraient propres.

» Le platine, ainsi que l’or qui l’accompagne, se trouvent de toute grosseur, depuis celle d’une fine poussière jusqu’à celle d’un pois, et l’on ne rencontre pas de plus gros morceaux de platine, ou du moins ils doivent être bien rares, car, quelque peine que je me sois donnée, je n’ai pu m’en procurer aucun, et je n’en ai vu qu’un seul à peu prés de la grosseur d’un œuf de pigeon[2] ; j’ai vu des morceaux d’or, qui m’ont paru fondus naturellement beaucoup plus considérables.

» Il est vraisemblable que, comme l’or a ses mines propres, le platine peut avoir aussi les siennes d’où il a été détaché par une force quelconque et entraîné par les eaux dans les mines de transport où on le trouve ; mais ces mines propres où sont-elles ? C’est ce qu’on n’a pas encore pris la peine d’examiner.

» … Puisque l’or et le platine se trouvent dans leurs mines de transport, à peu près de même grosseur, il semblerait que ces deux métaux doivent avoir aussi à peu près une même source, et peut-être les mêmes moyens de métallisation ; ils diffèrent cependant essentiellement en couleur, en malléabilité et en poids. Ne pourrait-on pas présumer, d’après les scories de fer qui accompagnent toujours plus ou moins le platine, qu’il n’est lui-même qu’une modification de ce métal par le feu, d’une façon jusqu’ici inconnue, qui le prive de la couleur, de la malléabilité et de la pesanteur spécifique de l’or ?… M. Bergman a été sûrement mal informé quand il dit que la force magnétique du fer dans le platine vient vraisemblablement de la trituration qu’on lui fait éprouver dans

  1. Je dois observer qu’il se trouve des mines de mercure au Chili et en quelques autres contrées de l’Amérique méridionale. Voyez l’article Concrétions du mercure.
  2. Ce morceau est le même dont nous avons parlé ci-devant, d’après M. Dombey, dans la note a de la page précédente ; car M. Le Blond dit, comme M. Dombey, « que ce morceau fut remis à Don Areche, intendant du Pérou, pour en faire présent à la Société royale de Biscaye, qui doit actuellement le posséder ».