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CHAPITRE IX

VARIÉTÉS DANS LA GÉNÉRATION DES ANIMAUX

La matière qui sert à la nutrition et à la reproduction des animaux et des végétaux est donc la même : c’est une substance productive et universelle, composée de molécules organiques toujours existantes, toujours actives, dont la réunion produit les corps organisés. La nature travaille donc toujours sur le même fonds, et ce fonds est inépuisable ; mais les moyens qu’elle emploie pour le mettre en valeur sont différents les uns des autres, et les différences ou les convenances générales méritent que nous y fassions attention, d’autant plus que c’est de là que nous devons tirer les raisons des exceptions et des variétés particulières.

On peut dire en général que les grands animaux sont moins féconds que les petits ; la baleine, l’éléphant, le rhinocéros, le chameau, le bœuf, le cheval, l’homme, etc., ne produisent qu’un fœtus, et très rarement deux, tandis que les petits animaux, comme les rats, les harengs, les insectes, produisent un grand nombre de petits. Cette différence ne viendrait-elle pas de ce qu’il faut beaucoup plus de nourriture pour entretenir un grand corps que pour en nourrir un petit, et que, proportion gardée, il y a dans les grands animaux beaucoup moins de nourriture superflue qui puisse devenir semence, qu’il n’y en a dans les petits animaux ? Il est certain que les petits animaux mangent plus à proportion que les grands, mais il semble aussi que la multiplication prodigieuse des plus petits animaux, comme des abeilles, des mouches et des autres insectes, pourrait être attribuée à ce que ces petits animaux étant doués d’organes très fins et de membres très déliés, ils sont plus en état que les autres de choisir ce qu’il y a de plus substantiel et de plus organique dans les matières végétales ou animales dont ils tirent leur nourriture. Une abeille, qui ne vit que de la substance la plus pure des fleurs, reçoit certainement par cette nourriture beaucoup plus de molécules organiques, proportion gardée, qu’un cheval ne peut en recevoir par les parties grossières des végétaux, le foin et la paille, qui lui servent d’aliment : aussi le cheval ne produit-il qu’un fœtus, tandis que l’abeille en produit trente mille.