Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome IV, Partie 2.djvu/196

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ment vivipare ; elle produit d’abord des œufs, et les petits sortent de ces œufs ; mais il est vrai que tout cela s’opère dans le corps de la mère, et qu’au lieu de jeter ses œufs au dehors, comme les autres animaux ovipares, elle les garde et les fait éclore en dedans : les salamandres, dans lesquelles on trouve des œufs, et en même temps des petits déjà formés, comme l’a observé M. de Maupertuis[1], feront une exception de la même espèce dans les animaux quadrupèdes ovipares.

La plus grande partie des animaux se perpétuent par la copulation ; cependant parmi les animaux qui ont des sexes il y en a beaucoup qui ne se joignent pas par une vraie copulation ; il semble que la plupart des oiseaux ne fassent que comprimer fortement la femelle, comme le coq, dont la verge, quoique double, est fort courte, les moineaux, les pigeons, etc. ; d’autres, à la vérité, comme l’autruche, le canard, l’oie, etc., ont un membre d’une grosseur considérable, et l’intromission n’est pas équivoque dans ces espèces : les poissons mâles s’approchent de la femelle dans le temps du frai ; il semble même qu’ils se frottent ventre contre ventre, car le mâle se retourne quelquefois sur le dos pour rencontrer le ventre de la femelle ; mais avec cela il n’y a aucune copulation, le membre nécessaire à cet acte n’existe pas, et lorsque les poissons mâles s’approchent de si près de la femelle, ce n’est que pour répandre la liqueur contenue dans leurs laites sur les œufs que la femelle laisse couler alors ; il semble que ce soient les œufs qui les attirent plutôt que la femelle, car si elle cesse de jeter des œufs le mâle l’abandonne et suit avec ardeur les œufs que le courant emporte, ou que le vent disperse ; on le voit passer et repasser cent fois dans tous les endroits où il y a des œufs : ce n’est sûrement pas pour l’amour de la mère qu’il se donne tous ces mouvements, il n’est pas à présumer qu’il la connaisse toujours, car on le voit répandre sa liqueur sur tous les œufs qu’il rencontre, et souvent avant que d’avoir rencontré la femelle.

Il y a donc des animaux qui ont des sexes et des parties propres à la copulation ; d’autres qui ont aussi des sexes et qui manquent des parties nécessaires à la copulation ; d’autres, comme les limaçons, ont des parties propres à la copulation et ont en même temps les deux sexes ; d’autres, comme les pucerons, n’ont point de sexe, sont également pères ou mères, et engendrent d’eux-mêmes et sans copulation, quoiqu’ils s’accouplent aussi quand il leur plaît, sans qu’on puisse savoir trop pourquoi, ou, pour mieux dire, sans qu’on puisse savoir si cet accouplement est une conjonction de sexes, puisqu’ils en paraissent tous également privés ou également pourvus ; à moins qu’on ne veuille supposer que la nature a voulu renfermer dans l’individu de cette petite bête plus de facultés pour la génération que dans aucune autre espèce d’animal, et qu’elle lui aura accordé non seulement la puis-

  1. Mémoires de l’Académie, année 1727, p. 32.