Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome IV, Partie 2.djvu/20

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et que dans les premiers temps de sa formation le fœtus végète plutôt qu’il ne vit.

Une troisième ressemblance, c’est qu’il y a des animaux qui se reproduisent comme les plantes, et par les mêmes moyens : la multiplication des pucerons, qui se fait sans accouplement, est semblable à celle des plantes par les graines[NdÉ 1], et celle des polypes, qui se fait en les coupant, ressemble à la multiplication des arbres par boutures.

On peut donc assurer, avec plus de fondement encore, que les animaux et les végétaux sont des êtres du même ordre, et que la nature semble avoir passé des uns aux autres par des nuances insensibles, puisqu’ils ont entre eux des ressemblances essentielles et générales, et qu’ils n’ont aucune différence qu’on puisse regarder comme telle[NdÉ 2].

Si nous comparons maintenant les animaux aux végétaux par d’autres faces, par exemple, par le nombre, par le lieu, par la grandeur, par la forme, etc., nous en tirerons de nouvelles inductions.

Le nombre des espèces d’animaux est beaucoup plus grand que celui des espèces de plantes ; car, dans le seul genre des insectes, il y a peut-être un plus grand nombre d’espèces, dont la plupart échappent à nos yeux, qu’il n’y a d’espèces de plantes visibles sur la surface de la terre. Les animaux même se ressemblent en général beaucoup moins que les plantes, et c’est cette ressemblance entre les plantes qui fait la difficulté de les reconnaître et de les ranger ; c’est là ce qui a donné naissance aux méthodes de botanique, auxquelles on a, par cette raison, beaucoup plus travaillé qu’à celles de la zoologie, parce que les animaux ayant en effet entre eux des différences bien plus sensibles que n’en ont les plantes entre elles, ils sont plus aisés à reconnaître et à distinguer, plus faciles à nommer et à décrire.

D’ailleurs, il y a encore un avantage pour reconnaître les espèces d’animaux et pour les distinguer les uns des autres, c’est qu’on doit regarder comme la même espèce celle qui, au moyen de la copulation, se perpétue et conserve la similitude de cette espèce, et comme des espèces différentes celles qui, par les mêmes moyens, ne peuvent rien produire ensemble[NdÉ 3] ;

  1. La comparaison que Buffon établit entre la reproduction des pucerons sans accouplement et celle des plantes par les graines est absolument erronée. L’embryon contenu dans les graines ne s’est développé qu’à la suite de la fécondation d’une cellule femelle par une cellule mâle ; tandis que les pucerons peuvent se reproduire sans fécondation pendant une série de générations. Ajoutons, pour être tout à fait exacts, que les phénomènes qui se passent alors chez les pucerons ne sont encore que fort peu connus. [Note de Wikisource : Il s’agit d’un exemple de parthénogenèse, phénomène qu’on retrouve à la fois chez certaines espèces de plantes et certaines espèces d’animaux.]
  2. Tous les faits découverts depuis l’époque de Buffon justifient admirablement cette proposition.
  3. La proposition de Buffon n’est vraie que dans une certaine limite. Elle est exacte dans ce sens que deux espèces incapables de donner des produits féconds par le croisement doivent être considérées comme distinctes ; mais la contre-partie est fausse. On est parvenu, en effet, à croiser des individus appartenant à des espèces manifestement très distinctes, et à obtenir par ce croisement des individus indéfiniment féconds. Le critérium de l’espèce