Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome IV, Partie 2.djvu/210

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sa mère, si c’est une femelle, par ces parties sexuelles, mais qui pourra ressembler à l’un ou à l’autre, ou à tous deux, par toutes les autres parties du corps.

Il me semble que cela étant bien entendu, nous pouvons en tirer l’explication d’une très grande question, dont nous avons dit quelque chose au chapitre v, dans l’endroit où nous avons rapporté le sentiment d’Aristote au sujet de la génération : cette question est de savoir pourquoi chaque individu mâle ou femelle ne produit pas tout seul son semblable. Il faut avouer, comme je l’ai déjà dit, que pour quiconque approfondira la matière de la génération et se donnera la peine de lire avec attention tout ce que nous en avons dit jusqu’ici, il ne restera d’obscurité qu’à l’égard de cette question, surtout lorsqu’on aura bien compris la théorie que j’établis ; et quoique cette espèce de difficulté ne soit pas réelle ni particulière à mon système, et qu’elle soit générale pour toutes les autres explications qu’on a voulu, ou qu’on voudrait encore donner de la génération, cependant je n’ai pas cru devoir la dissimuler, d’autant plus que dans la recherche de la vérité la première règle de conduite est d’être de bonne foi avec soi-même. Je dois donc dire qu’ayant réfléchi sur ce sujet, aussi longtemps et aussi mûrement qu’il l’exige, j’ai cru avoir trouvé une réponse à cette question, que je vais tâcher d’expliquer, sans prétendre cependant la faire entendre parfaitement à tout le monde.

Il est clair pour quiconque entendra bien le système que nous avons établi dans les quatre premiers chapitres, et que nous avons prouvé par des expériences dans les chapitres suivants[NdÉ 1], que la reproduction se fait par la réunion de molécules organiques renvoyées de chaque partie du corps de l’animal ou du végétal dans un ou plusieurs réservoirs communs ; que les mêmes molécules qui servent à la nutrition et au développement du corps servent ensuite à la reproduction ; que l’une et l’autre s’opèrent par la même matière et par les mêmes lois. Il me semble que j’ai prouvé cette vérité par tant de raisons et de faits qu’il n’est guère possible d’en douter ; je n’en doute pas moi-même, et j’avoue qu’il ne me reste aucun scrupule sur le fond de cette théorie dont j’ai examiné très rigoureusement les principes, et dont j’ai combiné très scrupuleusement les conséquences et les détails ; mais il est vrai qu’on pourrait avoir quelque raison de me demander pourquoi chaque animal, chaque végétal, chaque être organisé ne produit pas tout seul son semblable, puisque chaque individu renvoie de toutes les parties de son corps dans un réservoir commun toutes les molécules organiques nécessaires à la formation du petit être organisé. Pourquoi donc cet être organisé ne s’y forme-t-il pas, et que dans presque tous les animaux il faut que la liqueur qui contient ces molécules organiques soit mêlée

  1. Le malheur est qu’il n’a rien prouvé.