Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome IV, Partie 2.djvu/235

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dans la cicatricule dans l’état où il a été formé, jusqu’à ce que l’œuf ait acquis par son accroissement toutes les parties qui sont nécessaires à l’action et au développement du poulet ; et ce n’est que quand l’œuf est arrivé à sa perfection que cet embryon peut commencer à naître et à se développer. Ce développement se fait au dehors par l’incubation, mais il est certain qu’il pourrait se faire au dedans, et peut-être qu’en serrant ou cousant l’orifice de la poule pour l’empêcher de pondre, et pour retenir l’œuf dans l’intérieur de son corps, il pourrait arriver que le poulet s’y développerait comme il se développe au dehors[NdÉ 1], et que si la poule pouvait vivre vingt et un jours après cette opération, on lui verrait produire le poulet vivant, à moins que la trop grande chaleur de l’intérieur du corps de l’animal ne fît corrompre l’œuf ; car on sait que les limites du degré de chaleur nécessaire pour faire éclore des poulets ne sont pas fort étendues, et que le défaut ou l’excès de chaleur au delà de ces limites est également nuisible à leur développement. Les derniers œufs que la poule pond, et dans lesquels l’état de l’embryon est le même que dans les premiers, ne prouvent donc rien autre chose, sinon qu’il est nécessaire que l’œuf ait acquis toute sa perfection pour que l’embryon puisse se développer, et que, quoiqu’il ait été formé dans ces œufs longtemps auparavant, il est demeuré dans le même état où il était au moment de la fécondation, par le défaut de blanc et des autres parties nécessaires à son développement, qui n’étaient pas encore formées, comme il reste aussi dans le même état dans les œufs parfaits par le défaut de la chaleur nécessaire à ce même développement, puisqu’on garde souvent des œufs pendant un temps considérable avant que de les faire couver, ce qui n’empêche point du tout le développement du poulet qu’ils contiennent.

Il paraît donc que l’état dans lequel est l’embryon dans l’œuf lorsqu’il sort de la poule est le premier état qui succède immédiatement à la fécondation ; que la forme sous laquelle nous le voyons est la première forme résultante du mélange intime et de la pénétration des deux liqueurs séminales ; qu’il n’y a pas eu d’autres formes intermédiaires, d’autres développements antérieurs à celui qui va s’exécuter ; et que par conséquent, en suivant, comme l’a fait Malpighi, ce développement heure par heure, on en saura tout ce qu’il est possible d’en savoir, à moins que de trouver quelque moyen qui pût nous mettre à portée de remonter encore plus haut, et de voir les deux liqueurs se mêler sous nos yeux, pour reconnaître comment se fait le premier arrangement des parties qui produisent la forme que nous voyons à l’embryon dans l’œuf avant qu’il ait été couvé.

Si l’on réfléchit sur cette fécondation qui se fait, dans le même moment, de ces œufs qui ne doivent cependant paraître que successivement et long-

  1. On a tenté l’expérience sans y réussir ; mais elle se trouve réalisée chaque jour par les animaux dits ovovivipares dont les embryons se développent pendant que l’œuf est encore contenu dans l’oviducte de la mère.