Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome IV, Partie 2.djvu/263

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cette semence dans leur cavité intérieure ; les femelles ovipares ont, aussi bien que les femelles vivipares, une liqueur séminale, et cette liqueur séminale des femelles ovipares est encore plus active que celle des femelles vivipares, comme je l’expliquerai dans l’histoire des oiseaux. Cette semence de la femelle est, en général, semblable à celle du mâle lorsqu’elles sont toutes deux dans l’état naturel ; elles se décomposent de la même façon ; elles contiennent des corps organiques semblables, et elles offrent également tous les mêmes phénomènes.

Toutes les substances animales ou végétales renferment une grande quantité de cette matière organique et productive ; il ne faut, pour le reconnaître, que séparer les parties brutes dans lesquelles les particules actives de cette matière sont engagées, et cela se fait en mettant ces substances animales ou végétales infuser dans de l’eau : les sels se fondent, les huiles se séparent, et les parties organiques se montrent en se mettant en mouvement ; elles sont en plus grande abondance dans les liqueurs séminales que dans toutes les autres substances animales, ou plutôt elles y sont dans leur état de développement et d’évidence, au lieu que dans la chair elles sont engagées et retenues par les parties brutes, et il faut les en séparer par l’infusion. Dans les premiers temps de cette infusion, lorsque la chair n’est encore que légèrement dissoute, on voit cette matière organique sous la forme de corps mouvants qui sont presque aussi gros que ceux des liqueurs séminales ; mais, à mesure que la décomposition augmente, ces parties organiques diminuent de grosseur et augmentent en mouvement ; et quand la chair est entièrement décomposée ou corrompue par une longue infusion dans l’eau, ces mêmes parties organiques sont d’une petitesse extrême et dans un mouvement d’une rapidité infinie ; c’est alors que cette matière peut devenir un poison, comme celui de la dent de la vipère, où M. Mead a vu une infinité de petits corps pointus qu’il a pris pour des sels, et qui ne sont que ces mêmes parties organiques dans une très grande activité. Le pus qui sort des plaies en fourmille, et il peut arriver très naturellement que le pus prenne un tel degré de corruption qu’il devienne un poison des plus subtils ; car toutes les fois que cette matière active sera exaltée à un certain point, ce qu’on pourra toujours reconnaître à la rapidité et à la petitesse des corps mouvants qu’elle contient, elle deviendra une espèce de poison ; il doit en être de même des poisons des végétaux. La même matière qui sert à nous nourrir, lorsqu’elle est dans son état naturel, doit nous détruire lorsqu’elle est corrompue ; on le voit par la comparaison du bon blé et du blé ergoté qui fait tomber en gangrène les membres des animaux et des hommes qui veulent s’en nourrir ; on le voit par la comparaison de cette matière qui s’attache à nos dents, qui n’est qu’un résidu de nourriture qui n’est pas corrompue, et de celle de la dent de la vipère ou du chien enragé, qui n’est que cette même matière trop exaltée et corrompue au dernier degré.