Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome IV, Partie 2.djvu/30

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de quelques autres espèces d’animaux, qu’on peut couper et séparer dans tous les sens en différentes parties pour les multiplier ; et, puisque notre règle pour juger est la même, pourquoi jugerions-nous différemment ?

Il me paraît donc très vraisemblable, par les raisonnements que nous venons de faire, qu’il existe réellement dans la nature une infinité de petits êtres organisés, semblables en tout aux grands êtres organisés qui figurent dans le monde, que ces petits êtres organisés sont composés de parties organiques vivantes qui sont communes aux animaux et aux végétaux, que ces parties organiques sont des parties primitives et incorruptibles, que l’assemblage de ces parties forme à nos yeux des êtres organisés et que, par conséquent, la reproduction ou la génération n’est qu’un changement de forme qui se fait et s’opère par la seule addition de ces parties semblables, comme la destruction de l’être organisé se fait par la division de ces mêmes parties. On n’en pourra pas douter lorsqu’on aura vu les preuves que nous en donnons dans les chapitres suivants : d’ailleurs, si nous réfléchissons sur la manière dont les arbres croissent et si nous examinons comment, d’une quantité qui est si petite, ils arrivent à un volume si considérable, nous trouverons que c’est par la simple addition de petits êtres organisés semblables entre eux et au tout[NdÉ 1]. La graine produit d’abord un petit arbre qu’elle contenait en raccourci ; au sommet de ce petit arbre, il se forme un bouton qui contient le petit arbre de l’année suivante, et ce bouton est une partie organique semblable au petit arbre de la première année ; au sommet du petit arbre de la seconde année, il se forme de même un bouton qui contient le petit arbre de la troisième année ; et ainsi de suite, tant que l’arbre croît en hauteur, et même tant qu’il végète, il se forme, à l’extrémité de toutes les branches, des boutons qui contiennent en raccourci de petits arbres semblables à celui de la première année : il est donc évident que les arbres sont composés de petits êtres organisés semblables, et que l’individu total est formé par l’assemblage d’une multitude de petits individus semblables[NdÉ 2].

Mais, dira-t-on, tous ces petits êtres organisés semblables étaient-ils contenus dans la graine et l’ordre de leur développement y était-il tracé ? Car il paraît que le germe, qui s’est développé la première année, est surmonté par un autre germe semblable, lequel ne se développe qu’à la seconde année, que celui-ci l’est de même d’un troisième qui ne se doit développer qu’à la troisième année et que, par conséquent, la graine contient réellement les petits êtres organisés qui doivent former des boutons ou de petits arbres au

  1. Tout cela sera vrai si au mot « petits êtres organisés » dont se sert Buffon, nous substituons le mot « cellules ». [Note de Wikisource : Notons tout de même que les cellules ne sauraient être « incorruptibles », et que l’ « addition » de cellules est en fait la division des cellules existantes en deux cellules, qui elles-mêmes pourront se diviser, etc.]
  2. Cela est exact. On peut considérer chacun des bourgeons d’un arbre comme un individu semblable, par les traits essentiels de son organisation, à l’arbre qui lui a donné naissance ; quand on l’isole et qu’on le bouture ou qu’on le greffe, il devient réellement un arbre nouveau, semblable au premier.