Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome IV, Partie 2.djvu/377

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zèbre, où elle passe brusquement et alternativement du blanc au noir et du noir au blanc, sans aucun intermède dans toute l’étendue du corps de l’animal.

Quoi qu’il en soit, il est certain, par tout ce que nous venons d’exposer, que les mulets en général, qu’on a toujours accusés d’impuissance et de stérilité, ne sont cependant ni réellement stériles ni généralement inféconds ; et que ce n’est que dans l’espèce particulière du mulet provenant de l’âne et du cheval que cette stérilité se manifeste, puisque le mulet qui provient du bouc et de la brebis est aussi fécond que sa mère ou son père, puisque dans les oiseaux la plupart des mulets qui proviennent d’espèces différentes ne sont point inféconds : c’est donc dans la nature particulière du cheval et de l’âne qu’il faut chercher les causes de l’infécondité des mulets qui en proviennent ; et au lieu de supposer la stérilité comme un défaut général et nécessaire dans tous les mulets, la restreindre au contraire au seul mulet provenant de l’âne et du cheval, et encore donner de grandes limites à cette restriction, attendu que ces mêmes mulets peuvent devenir féconds dans de certaines circonstances, et surtout en se rapprochant d’un degré de leur espèce originaire.

Les mulets qui proviennent du cheval et de l’âne ont les organes de la génération tout aussi complets que les autres animaux ; il ne manque rien au mâle, rien à la femelle, ils ont une grande abondance de liqueur séminale ; et comme l’on ne permet guère aux mâles de s’accoupler, ils sont souvent si pressés de la répandre qu’ils se couchent sur le ventre pour se frotter entre leurs pieds de devant qu’ils replient sous la poitrine : ces animaux sont donc pourvus de tout ce qui est nécessaire à l’acte de la génération ; ils sont même très ardents, et par conséquent très indifférents sur le choix ; ils ont à peu près la même véhémence de goût pour la mule, pour l’ânesse et pour la jument : il n’y a donc nulle difficulté pour les accouplements ; mais il faudrait des attentions et des soins particuliers si l’on voulait rendre ces accouplements prolifiques ; la trop grande ardeur, surtout dans les femelles, est ordinairement suivie de la stérilité, et la mule est au moins aussi ardente que l’ânesse : or, l’on sait que celle-ci rejette la liqueur séminale du mâle, et que pour la faire retenir et produire il faut lui donner des coups ou lui jeter de l’eau sur la croupe, afin de calmer les convulsions d’amour qui subsistent après l’accouplement, et qui sont la cause de cette réjaculation. L’ânesse et la mule tendent donc toutes deux par leur trop grande ardeur à la stérilité. L’âne et l’ânesse y tendent encore par une autre cause ; comme ils sont originaires des climats chauds, le froid s’oppose à leur génération, et c’est par cette raison qu’on attend les chaleurs de l’été pour les faire accoupler ; lorsqu’on les laisse joindre dans d’autres temps, et surtout en hiver, il est rare que l’imprégnation suive l’accouplement, même réitéré ; et ce choix du temps, qui est nécessaire au