Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome IV, Partie 2.djvu/399

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fois les animaux qui paraissent être incompatibles. Je fus d’abord informé du fait par une lettre que M. Surirey de Boissy me fit l’honneur de m’écrire, et qui est conçue dans les termes suivants :

À Namur, le 9 juin 1773.

« Chez M. le marquis de Spontin, à Namur, a été élevée une très jeune louve, à laquelle on a donné pour compagnon un presque aussi jeune chien depuis deux ans ; ils étaient en liberté, venant dans les appartements, cuisine, écurie, etc., très caressants, se couchant sous la table et sur les pieds de ceux qui l’entouraient, ils ont vécu le plus intimement.

» Le chien est une espèce de mâtin-braque très vigoureux. La nourriture de la louve a été le lait pendant les six premiers mois ; ensuite on lui a donné de la viande crue qu’elle préférait à la cuite. Quand elle mangeait, personne n’osait l’approcher ; en un autre temps on en faisait tout ce qu’on voulait, pourvu qu’on ne la maltraitât pas ; elle caressait tous les chiens qu’on lui conduisait, jusqu’au moment qu’elle a donné la préférence à son ancien compagnon : elle entrait en fureur depuis contre tout autre. Ça été le 25 mars dernier qu’elle a été couverte pour la première fois ; ses amours ont duré seize jours avec d’assez fréquentes répétitions, et elle a donné ses petits le 6 juin à huit heures du matin, ainsi le temps de la gestation a été de soixante-treize jours au plus ; elle a jeté quatre jeunes de couleur noirâtre. Il y en a avec des extrémités blanches aux pattes et moitié de la poitrine, tenant en cela du chien, qui est noir et blanc. Depuis qu’elle a mis bas, elle est grondante et se hérisse contre ceux qui approchent ; elle ne reconnaît plus ses maîtres ; elle étranglerait le chien même s’il était à portée.

» J’ajoute qu’elle a été attachée à deux chaînes depuis une irruption qu’elle a faite à la suite de son galant, qui avait franchi une muraille chez un voisin qui avait une chienne en chaleur, qu’elle avait étranglé à moitié sa rivale ; que le cocher a été pour les séparer à grands coups de bâton et la reconduire à sa loge, où, par imprudence recommençant la correction, elle s’est animée au point de le mordre deux fois dans la cuisse, ce qui l’a tenu au lit six semaines par les incisions considérables qu’on a été obligé de lui faire. »

Dans ma réponse à cette lettre, je faisais mes remerciements à M. de Boissy, et j’y joignais quelques réflexions pour éclaircir les doutes qui me restaient encore. M. le marquis de Spontin, ayant pris communication de cette réponse, eut la bonté de m’écrire lui-même dans les termes suivants :