Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome IV, Partie 2.djvu/408

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degrés de fécondité, les petits animaux que nous venons de nommer seront aux points les plus élevés, tandis que le cheval, ainsi que l’âne, se trouveront presque au terme de la moindre fécondité, car il n’y a guère que l’éléphant qui soit encore moins fécond.

Dans les espèces mixtes, c’est-à-dire dans celles des animaux qui, comme le mulet, proviennent de deux espèces différentes, il y a comme dans les espèces pures des degrés différents de fécondité ou plutôt d’infécondité : car les animaux qui viennent de deux espèces, tenant de deux natures, sont en général moins féconds, parce qu’ils ont moins de convenances entre eux qu’il n’y en a dans les espèces pures, et cette infécondité est d’autant plus grande que la fécondité naturelle des parents est moindre. Dès lors si les deux espèces du cheval et de l’âne, peu fécondes par elles-mêmes, viennent à se mêler, l’infécondité primitive, loin de diminuer dans l’animal métis, ne pourra qu’augmenter ; le mulet sera non seulement plus infécond que son père et sa mère, mais peut-être le plus infécond de tous les animaux métis, parce que toutes les autres espèces mélangées dont on a pu tirer du produit, telles que celles du bouc et de la brebis, du chien et de la louve, du chardonneret et de la serine, etc., sont beaucoup plus fécondes que les espèces de l’âne et du cheval. C’est à cette cause particulière et primitive qu’on doit rapporter l’infécondité des mulets et des bardots. Ce dernier animal est même plus infécond que le premier, par une seconde cause encore plus particulière. Le mulet, provenant de l’âne et de la jument, tient de son père l’ardeur du tempérament, et par conséquent la vertu prolifique à un très haut degré, tandis que le bardot provenant du cheval et de l’ânesse est, comme son père, moins puissant en amour et moins habile à engendrer ; d’ailleurs la jument, moins ardente que l’ânesse, est aussi plus féconde, puisqu’elle retient et conçoit plus aisément, plus sûrement ; ainsi tout concourt à rendre le mulet moins infécond que le barbot ; car l’ardeur du tempérament dans le mâle, qui est si nécessaire pour la bonne génération, et surtout pour la nombreuse multiplication, nuit au contraire dans la femelle, et l’empêche presque toujours de retenir et de concevoir.

Ce fait est généralement vrai, soit dans les animaux, soit dans l’espèce humaine : les femmes les plus froides, avec les hommes les plus chauds, engendrent un grand nombre d’enfants ; il est rare au contraire qu’une femme produise, si elle est trop sensible au physique de l’amour. L’acte par lequel on arrive à la génération n’est alors qu’une fleur sans fruit, un plaisir sans effet ; mais aussi, dans la plupart des femmes qui sont purement passives, c’est comme dans le figuier, dont la sève est froide, un fruit qui se produit sans fleur[NdÉ 1] ; car l’effet de cet acte est d’autant plus sûr, qu’il est

  1. Buffon n’ignorait certainement pas que le figuier a des fleurs ; il fait simplement usage d’une figure populaire.