Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome IV, Partie 2.djvu/450

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pacos[1] du Pérou, qui sont d’une espèce si différente de celle du chameau, qu’on a cru pouvoir leur donner aussi le nom de moutons ; en sorte que les uns les ont appelés chameaux, et les autres moutons du Pérou, quoique le pacos n’ait rien de commun que la laine avec notre mouton, et que le lama ne ressemble au chameau que par l’allongement du cou. Les Espagnols[2] transportèrent autrefois de vrais chameaux au Pérou ; ils les avaient d’abord déposés aux îles Canaries, d’où ils les tirèrent ensuite pour les passer en Amérique ; mais il faut que le climat de ce nouveau monde ne leur soit pas favorable, car, quoiqu’ils aient produit dans cette terre étrangère, ils ne s’y sont pas multipliés, et ils n’y ont jamais été qu’en très petit nombre.

La girafe[3] ou le camelo-pardalis, animal très grand, très gros et très remarquable, tant par sa forme singulière que par la hauteur de sa taille, la longueur de son cou et celle de ses jambes de devant, ne s’est point trouvé en Amérique ; il habite en Afrique et surtout en Éthiopie, et ne s’est jamais répandu au delà des tropiques dans les climats tempérés de l’ancien continent.

Nous avons vu, dans l’article précédent, que le lion n’existait point en Amérique, et que le puma du Pérou est un animal d’une espèce différente. Nous verrons de même que le tigre et la panthère ne se trouvent que dans l’ancien continent, et que les animaux de l’Amérique méridionale auxquels on a donné ces noms sont d’espèces différentes. Le vrai tigre, le seul qui doit conserver ce nom, est un animal terrible et peut-être plus à craindre que le lion ; sa férocité n’est comparable à rien ; mais on peut juger de sa force par sa taille ; elle est ordinairement de quatre à cinq pieds de hauteur, sur neuf, dix et jusqu’à treize et quatorze pieds de longueur, sans y comprendre la queue ; sa peau n’est pas tigrée, c’est-à-dire parsemée de taches arrondies ; il a seulement, sur un fond de poil fauve, des bandes noires qui s’étendent transversalement sur tout le corps, et qui forment des anneaux sur la queue dans toute sa longueur ; ces seuls caractères suffisent pour le distinguer de tous les animaux de proie du nouveau monde, dont les plus grands sont à peine de la taille de nos mâtins ou de nos lévriers. Le léopard et la panthère de l’Afrique ou de l’Asie n’approchent pas de la grandeur du tigre, et cependant sont encore plus grands que les animaux de proie des parties méridionales de l’Amérique. Pline, dont on ne peut ici révoquer le témoignage en doute, puisque les panthères étaient si communes qu’on les exposait tous les

  1. Camelus tophis nullis, corpore lanato. Linn. System. natur., édit. X, p. 66. — Camelus pilis prolixis toto corpore vestitus. La Vignogne. Brisson, Règne animal, p. 57. — Ovis Peruana pacos dicta. Marcgrav. Hist. Brasil., p. 244.
  2. Voyez l’Histoire naturelle des Indes, de Joseph Acosta, traduite par Robert Renaud, Paris, 1600, depuis la p. 44 jusqu’à la p. 208. Voyez aussi l’Histoire des Incas, Paris, 1744, t. II, p. 266 et suiv.
  3. Giraffa quam Arabes zurnapa, Græci et Latini camelo-pardalis nominant. Belon, Obs., p. 118.