Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome IV, Partie 2.djvu/452

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jaguar. Outre ces trois espèces, et peut-être une quatrième qui est plus petite que les autres, auxquelles on a donné le nom de tigres, il se trouve encore en Amérique un animal qu’on peut leur comparer et qui me paraît avoir été mieux dénommé : c’est le chat-pard[NdÉ 1], qui tient du chat et de la panthère, et qu’il est en effet plus aisé d’indiquer par cette dénomination composée que par son nom mexicain tlacoosclotl[1] : il est plus petit que le jaguar, le jaguarète et le couguar, mais en même temps il est plus grand qu’un chat sauvage, auquel il ressemble par la figure ; il a seulement la queue beaucoup plus courte et la robe semée de taches noires, longues sur le dos et arrondies sur le ventre. Le jaguar, le jaguarète, le couguar et le chat-pard sont donc les animaux d’Amérique auxquels on a mal à propos donné le nom de tigres. Nous avons vivants le couguar et le chat-pard ; nous nous sommes donc assurés qu’ils sont chacun d’une espèce différente entre eux, et encore plus différente de celle du tigre et de la panthère ; et à l’égard du puma et du jaguar, il est évident, par les descriptions de ceux qui les ont vus, que le puma n’est point un lion, ni le jaguar un tigre ; ainsi nous pouvons prononcer sans scrupule que le lion, le tigre et même la panthère ne se sont pas plus trouvés en Amérique que l’éléphant, le rhinocéros, l’hippopotame, la girafe et le chameau. Toutes ces espèces ayant besoin d’un climat chaud pour se propager, et n’ayant jamais habité dans les terres du Nord, n’ont pu communiquer ni parvenir en Amérique ; ce fait général, dont il ne paraît pas qu’on se fût seulement douté, est trop important pour ne le pas appuyer de toutes les preuves qui peuvent achever de le constater : continuons donc notre énumération comparée des animaux de l’ancien continent avec ceux du nouveau.

Personne n’ignore que les chevaux, non seulement causèrent de la surprise, mais même donnèrent de la frayeur aux Américains lorsqu’ils les virent pour la première fois : ils ont bien réussi dans presque tous les climats de ce nouveau continent, et ils y sont actuellement presque aussi communs que dans l’ancien[2][NdÉ 2].

  1. Vide Hernandez, Hist. Mex., p. 512. — Chat-pard. Hist. de l’Acad. des sciences, ou Mémoires pour servir à l’Histoire des animaux, t. III, part. i, p. 109. — Chat-pard. Brisson, Règne animal, p. 273.
  2. Tous les chevaux, dit Garcilasso, qui sont dans les Indes espagnoles, viennent des chevaux qui furent transportés d’Andalousie, d’abord dans l’île de Cuba et dans celle de Saint-Domingue, ensuite à celle de Barlovento, où ils multiplièrent si fort qu’il s’en répandit dans les terres inhabitées, où ils devinrent sauvages, et pullulèrent d’autant plus qu’il n’y avait point d’animaux féroces dans ces îles qui pussent leur nuire, et parce qu’il y a de l’herbe verte toute l’année. Histoire des Incas. Paris, 1744. — Ce sont les Français qui ont peuplé les îles Antilles de chevaux ; les Espagnols n’y en avaient point laissé comme
  1. Ou, mieux, ocelot.
  2. Le cheval n’existait pas en Amérique au moment de la conquête, mais on a récemment trouvé dans les pampas de l’Amérique du Sud, à l’état fossile, une espèce éteinte de cheval.