Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome IV, Partie 2.djvu/469

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ou mangeurs de fourmis : ces animaux, dont les plus gros sont d’une taille au-dessus de la médiocre, paraissent être particuliers aux terres de l’Amérique méridionale ; ils sont très singuliers en ce qu’ils n’ont point de dents, qu’ils ont la langue cylindrique comme celle des oiseaux qu’on appelle pics, l’ouverture de la bouche très petite, avec laquelle ils ne peuvent ni mordre ni presque saisir ; ils tirent seulement leur langue, qui est très longue, et, la mettant à portée des fourmis, ils la retirent lorsqu’elle en est chargée, et ne peuvent se nourrir que par cette industrie.

Le paresseux[1], que les naturels du Brésil appellent ai ou hai, à cause du cri plaintif ai qu’il ne cesse de faire entendre, nous paraît être aussi un animal qui n’appartient qu’au nouveau continent. Il est encore beaucoup plus petit que les précédents, n’ayant qu’environ deux pieds de longueur, et il est très singulier, en ce qu’il marche plus lentement qu’une tortue, qu’il n’a que trois doigts tant aux pieds de devant qu’à ceux de derrière, que ses jambes de devant sont beaucoup plus longues que celles de derrière, qu’il a la queue très courte et qu’il n’a point d’oreilles ; d’ailleurs, le paresseux et le tatou sont les seuls parmi les quadrupèdes qui, n’ayant ni dents incisives ni dents canines, ont seulement des dents molaires cylindriques et arrondies à l’extrémité, à peu près comme celles de quelques cétacés, tels que le cachalot.

Le cariacou de la Guyane, que nous avons eu vivant, est un animal de la nature et de la grandeur de nos plus grands chevreuils ; le mâle porte un bois semblable à celui de nos chevreuils et qui tombe de même tous les ans ; la femelle n’en a point : on l’appelle à Cayenne biche des bois. Il y a une autre espèce qu’ils appellent aussi petit cariacou, ou biche des marais ou des palétuviers, qui est considérablement plus petite que la première, et dans laquelle le mâle n’a point de bois : j’ai soupçonné, à cause de la ressemblance du nom, que le cariacou de Cayenne pouvait être le cuguacu[2] ou cougouacou-apara du Brésil ; et ayant confronté les notices que Pison et Marcgrave nous ont données du cougouacou avec les caractères du cariacou, il nous a paru que c’était le même animal, qui cependant est assez différent de notre chevreuil pour qu’on doive le regarder comme faisant une espèce différente.

Le tapir, le cabiai, le tajacou, le fourmilier, le paresseux, le cariacou, le lama, le pacos, le bison, le puma, le jaguar, le couguar, le jaguarète, le chatpard, etc., sont donc les plus grands animaux du nouveau continent ; les médiocres et les petits sont les cuandus ou guandous[3], les agoutis, les

  1. Aï ou paresseux. Desmarchais, t. III, p. 300. — Ouaikaré. Barrère. Hist. Fr. équin., p. 154.
  2. Cuguacu-ete. Cuguacu-apara. Pison, Hist. nat., p. 97. Marcgr., Hist. Brasil., p. 235. — Biche des palétuviers. Biche des bois. Barrère, Hist. Fr. équin., p. 151.
  3. Cuandu Brasiliensibus. Pison, Hist. nat., p. 99. — Marcgr., Hist. nat., p. 233. — Gouandou. Barrère, Hist. Fr. équin., p. 153. — Chat-épineux. Desmarchais, t. III, p. 303. — Le porc-épic d’Amérique. Brisson, Règne animal, p. 129.