Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome IV, Partie 2.djvu/54

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On pourrait dire qu’il est très possible, et même fort vraisemblable, que les molécules organiques ne produisent d’abord par leur réunion qu’une espèce d’ébauche de l’animal, un petit corps organisé, dans lequel il n’y a que les parties essentielles qui soient formées ; nous n’entrerons pas actuellement dans le détail de nos preuves à cet égard ; nous nous contenterons de remarquer que les prétendus animaux spermatiques dont nous venons de parler pourraient bien n’être que très peu organisés ; qu’ils ne sont, tout au plus, que l’ébauche d’un être vivant, ou, pour le dire plus clairement, ces prétendus animaux ne sont que les parties organiques vivantes dont nous avons parlé, qui sont communes aux animaux et aux végétaux, ou, tout au plus, ils ne sont que la première réunion de ces parties organiques.

Mais revenons à notre principal objet. Je sens bien qu’on pourra me faire des difficultés particulières du même genre que la difficulté générale, à laquelle j’ai répondu dans le chapitre précédent. Comment concevez-vous, me dira-t-on, que les particules organiques superflues puissent être renvoyées de toutes les parties du corps, et ensuite qu’elles puissent se réunir lorsque les liqueurs séminales des deux sexes sont mêlées ? D’ailleurs, est-on sûr que ce mélange se fasse ? n’a-t-on pas même prétendu que la femelle ne fournissait aucune liqueur vraiment séminale ? est-il certain que celle du mâle entre dans la matrice ? etc.

Je réponds à la première question que, si l’on a bien entendu ce que j’ai dit au sujet de la pénétration du moule intérieur par les molécules organiques dans la nutrition ou le développement, on concevra facilement que ces molécules organiques, ne pouvant plus pénétrer les parties qu’elles pénétraient auparavant, elles seront nécessitées de prendre une autre route, et par conséquent d’arriver quelque part, comme dans les testicules et les vésicules séminales, et qu’ensuite elles se peuvent réunir pour former un petit être organisé, par la même puissance qui leur faisait pénétrer les différentes parties du corps auxquelles elles étaient analogues ; car vouloir, comme je l’ai dit, expliquer l’économie animale et les différents mouvements du corps humain, soit celui de la circulation du sang ou celui des muscles, etc., par les seuls principes mécaniques auxquels les modernes voudraient borner la philosophie, c’est précisément la même chose que si un homme, pour rendre compte d’un tableau, se faisait boucher les yeux et nous racontait tout ce que le toucher lui ferait sentir sur la toile du tableau ; car il est évident que ni la circulation du sang, ni le mouvement des muscles, ni les fonctions animales, ne peuvent s’expliquer par l’impulsion ni par les autres lois de la mécanique ordinaire ; il est tout aussi évident que la nutrition, le développement et la reproduction se font par d’autres lois. Pourquoi donc ne veut-on pas admettre des forces pénétrantes et agissantes sur les masses des corps, puisque d’ailleurs nous en avons des exemples dans la pesanteur des corps, dans les attractions magnétiques, dans les affinités chimiques ?