Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome IV, Partie 2.djvu/60

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la perte de l’ancienne : d’où l’on peut conclure que la pratique de mortification la plus efficace contre la luxure est l’abstinence et le jeûne.

Il me reste beaucoup d’autres choses à dire sur ce sujet, que je renvoie au chapitre de l’histoire de l’homme ; mais, avant que de finir celui-ci, je crois devoir faire encore quelques observations. La plupart des animaux ne cherchent la copulation que quand leur accroissement est pris presque en entier ; ceux qui n’ont qu’un temps pour le rut ou pour le frai n’ont de liqueur séminale que dans ce temps. Un habile observateur[1] a vu se former sous ses yeux non seulement cette liqueur dans la laite du calmar, mais même les petits corps mouvants et organisés en forme de pompe, les animaux spermatiques et la laite elle-même ; il n’y en a point dans la laite jusqu’au mois d’octobre, qui est le temps du frai du calmar sur les côtes de Portugal, où il a fait cette observation ; et dès que le temps du frai est passé, on ne voit plus ni liqueur séminale ni vers spermatiques dans la laite qui se ride, se dessèche et s’oblitère, jusqu’à ce que, l’année suivante, le superflu de la nourriture vient former une nouvelle laite et la remplir comme l’année précédente. Nous aurons occasion de faire voir, dans l’histoire du cerf, les différents effets du rut ; le plus général est l’exténuation de l’animal, et dans les espèces d’animaux dont le rut ou le frai n’est pas fréquent et ne se fait qu’à de grands intervalles de temps, l’exténuation du corps est d’autant plus grande que l’intervalle du temps est plus considérable.

Comme les femmes sont plus petites et plus faibles que les hommes, qu’elles sont d’un tempérament plus délicat et qu’elles mangent beaucoup moins, il est assez naturel d’imaginer que le superflu de la nourriture n’est pas aussi abondant dans les femmes que dans les hommes, surtout ce superflu organique qui contient une si grande quantité de matière essentielle ; dès lors, elles auront moins de liqueur séminale ; cette liqueur sera aussi plus faible et aura moins de substance que celle de l’homme ; et, puisque la liqueur séminale des femelles contient moins de parties organiques que celle des mâles, ne doit-il pas résulter du mélange des deux liqueurs un plus grand nombre de mâles que de femelles ? C’est aussi ce qui arrive et dont on croyait qu’il était impossible de donner une raison. Il naît environ un seizième d’enfants mâles de plus que de femelles, et on verra dans la suite que la même cause produit le même effet dans toutes les espèces d’animaux sur lesquelles on a pu faire cette observation.


  1. M. Needham : New microscopical Discoveries, London, 1745.