Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome IV, Partie 2.djvu/86

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très mince et transparente, lui laissait voir aisément le fœtus qu’elle enveloppait. Malpighi conclut avec raison de cette première observation que le fœtus existe dans l’œuf avant même qu’il ait été couvé, et que ses premières ébauches ont déjà jeté des racines profondes. Il n’est pas nécessaire de faire sentir ici combien cette expérience est opposée au sentiment d’Harvey, et même à ses expériences ; car Harvey n’a rien vu de formé ni d’ébauché pendant les deux premiers jours de l’incubation, et au troisième jour le premier indice du fœtus est, selon lui, un point animé qui est le cœur, au lieu qu’ici l’ébauche du fœtus existe en entier dans l’œuf avant qu’il ait été couvé, chose qui, comme l’on voit, est bien différente, et qui est en effet d’une conséquence infinie, tant par elle-même que par les inductions qu’on en doit tirer pour l’explication de la génération.

Après s’être assuré de ce fait important, Malpighi a examiné avec la même attention la cicatricule des œufs inféconds que la poule produit sans avoir eu de communication avec le mâle ; cette cicatricule, comme je l’ai dit, est plus petite que celle qu’on trouve dans les œufs féconds ; elle a souvent des circonscriptions irrégulières, et un tissu qui quelquefois est différent dans les cicatricules de différents œufs : assez près de son centre, au lieu d’une bulle qui renferme le fœtus, il y a un corps globuleux comme une môle, qui ne contient rien d’organisé, et qui étant ouvert ne présente rien de différent de la môle même, rien de formé ni d’arrangé ; seulement cette môle a des appendices qui sont remplis d’un suc assez épais, quoique transparent, et cette masse informe est enveloppée et environnée de plusieurs cercles concentriques.

Après six heures d’incubation, la cicatricule des œufs féconds a déjà augmenté considérablement ; on reconnaît aisément dans son centre la bulle formée par la membrane amnios, remplie d’une liqueur dans le milieu de laquelle on voit distinctement nager la tête du poulet jointe à l’épine du dos ; six heures après, tout se distingue plus clairement, parce que tout a grossi ; on reconnaît sans peine la tête et les vertèbres de l’épine. Six heures encore après, c’est-à-dire au bout de dix-huit heures d’incubation, la tête a grossi et l’épine s’est allongée, et au bout de vingt-quatre heures la tête du poulet paraît s’être recourbée, et l’épine du dos paraît toujours de couleur blanchâtre ; les vertèbres sont disposées des deux côtés du milieu de l’épine, comme de petits globules, et presque dans le même temps on voit paraître le commencement des ailes ; la tête, le col et la poitrine s’allongent ; après trente heures d’incubation il ne paraît rien de nouveau, mais tout s’est augmenté, et surtout la membrane amnios ; on remarque autour de cette membrane les vaisseaux ombilicaux qui sont d’une couleur obscure ; au bout de trente-huit heures, le poulet étant devenu plus fort, montre une tête assez grosse dans laquelle on distingue trois vésicules entourées de membranes qui enveloppent aussi l’épine du dos, à travers lesquelles on voit cependant