Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome V.djvu/69

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2o l’aigle commun ou moyen ; 3o l’aigle tacheté, que j’appellerai le petit aigle ; les trois autres sont l’aigle à queue blanche, que j’appellerai pygargue, de son nom ancien, pour le distinguer des aigles des trois premières espèces dont il commence à s’éloigner par quelques caractères ; l’aigle de mer, que j’appellerai balbuzard, de son nom anglais, parce que ce n’est point un véritable aigle ; et enfin le grand aigle de mer, qui s’éloigne encore plus de l’espèce, et que par cette raison j’appellerai orfraie, de son vieux nom français.

Le grand et le petit aigle sont chacun d’une espèce isolée, mais l’aigle commun et le pygargue sont sujets à varier. L’espèce de l’aigle commun est composée de deux variétés, savoir, l’aigle brun et l’aigle noir, et l’espèce du pygargue en contient trois, savoir, le grand aigle à queue blanche, le petit aigle à queue blanche et l’aigle à tête blanche. Je n’ajouterai pas à ces espèces celle de l’aigle blanc, car je ne pense pas que ce soit une espèce particulière ni même un race constante et qui appartienne à une espèce déterminée ; ce n’est à mon avis qu’une variété accidentelle produite par le froid du climat, et plus souvent encore par la vieillesse de l’animal : on verra dans l’histoire particulière des oiseaux que plusieurs d’entre eux, et les aigles surtout, blanchissent par la vieillesse et même par les maladies, ou par la trop longue diète.

On verra de même que l’aigle noir n’est qu’une variété dans l’espèce de l’aigle brun ou aigle commun ; que l’aigle à tête blanche et le petit aigle à queue blanche ne sont aussi que des variétés dans l’espèce du pygargue ou grand aigle à queue blanche, et que l’aigle blanc n’est qu’une variété accidentelle ou individuelle qui peut appartenir à toutes les espèces. Ainsi, des onze prétendues espèces d’aigles, il ne nous en reste plus que trois, qui sont le grand aigle, l’aigle moyen et le petit aigle ; les quatre autres, savoir : le pygargue, le balbuzard, l’orfraie et le jean-le-blanc, étant des oiseaux assez différents des aigles pour être considérés chacun séparément, et porter par conséquent un nom particulier. Je me suis déterminé à cette réduction d’espèces, avec d’autant plus de fondement et de raison, qu’il était connu, dès le temps des anciens, que les aigles de races différentes se mêlent volontiers et produisent ensemble, et que d’ailleurs cette division ne s’éloigne pas beaucoup de celle d’Aristote, qui me paraît avoir mieux connu qu’aucun de nos nomenclateurs les vrais caractères et les différences réelles qui séparent les espèces. Il dit qu’il y en a six dans le genre des aigles ; mais, dans ces six espèces, il comprend un oiseau qu’il avoue lui-même être du genre des vautours[1], et qu’il faut par conséquent en séparer,

  1. « Quartum genus (aquilæ) percnopterus ab alarum notis appellatum ; capite albicante ; corpore majore quam cæteræ adhuc dictæ (pygargos morphnos et melænaetos) hæc est : sed brevioribus alis ; caudâ longiore. Vulturis speciem hæc refert, subaquila et montana ciconia cognominatur : incolit lucos degener, nec vitiis cæterarum caret, et bonorum quæ illæ