Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome V.djvu/697

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nous a permis de les faire dessiner chez elle ; et cette personne ayant jeté un coup d’œil sur leurs façons de faire, et ayant bien voulu nous communiquer ce qu’elle avait vu, elle nous a appris sur l’histoire de cette espèce étrangère et nouvelle tout ce que nous en savons.

Le plus vieux avait une sorte de capuchon brun qui paraissait mordoré au soleil : ce capuchon s’effaça à la mue de l’arrière-saison, laissant à la tête une couleur jaune ; mais il reparut au printemps, ce qui se renouvela constamment les années suivantes. La couleur principale du reste du corps était le jaune plus ou moins orangé ; cette couleur régnait sur le dos comme sur la partie inférieure du corps, et elle bordait les couvertures des ailes, leurs pennes et celles de la queue, lesquelles avaient toutes le fond noirâtre

Le jeune fut deux ans sans avoir le capuchon, et même sans changer de couleurs, ce qui fut cause qu’on le prit d’abord pour une femelle, et qu’on le dessina sous cette dénomination, no 376. La méprise était excusable, puisque dans la plupart des animaux le premier âge fait presque disparaître les différences qui distinguent les mâles des femelles, et qu’un des principaux caractères de ces dernières consiste à conserver très longtemps les attributs de la jeunesse ; mais, enfin, lorsqu’au bout de deux ans le jeune troupiale eut pris le capuchon mordoré et toutes les couleurs du vieux, on ne put s’empêcher de le reconnaître pour un mâle.

Avant ce changement de couleurs, le jaune de son plumage était d’une teinte plus faible que dans le vieux : il régnait sur la gorge, le cou, la poitrine, et bordait, comme dans le vieux, toutes les plumes de la queue et des ailes. Le dos était d’un brun olivâtre, qui s’étendait derrière le cou et jusque sur la tête. Dans l’un et l’autre, l’iris des yeux était orange, le bec couleur de corne, plus épais et moins long que celui du troupiale, et les pieds rougeâtres.

Ces deux oiseaux vécurent d’abord en assez bonne intelligence dans la même cage ; le plus jeune était ordinairement sur le bâton le plus bas, ayant le bec fort près de l’autre ; il lui répondait toujours en battant des ailes et avec l’air de la subordination.

Comme on s’aperçut dans l’été qu’ils entrelaçaient des tiges de mouron dans la grille de leur cage, on prit cela pour l’indice d’une disposition prochaine à nicher, et on leur donna de petits brins de joncs dont ils eurent bientôt construit un nid, lequel avait assez de capacité pour que l’un des deux y fût caché tout entier. L’année suivante ils recommencèrent, mais alors le vieux chassa le jeune qui prenait déjà la livrée de son sexe, et celui-ci fut obligé de travailler à part à l’autre bout de la cage. Nonobstant une conduite si soumise, il était souvent battu et quelquefois si rudement qu’il restait sur la place : on fut obligé de les séparer tout à fait, et depuis ce temps ils ont travaillé chacun de leur côté, mais sans suite ; l’ouvrage du jour était ordinairement défait le lendemain : un nid n’est pas l’ouvrage d’un seul.