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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome VI.djvu/150

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d’autres d’une inclination si barbare qu’ils cassent et mangent les œufs lorsque la femelle les a pondus, ou si ce père dénaturé les laisse couver, à peine les petits sont-ils éclos qu’il les saisit avec le bec, les traîne dans la cabane et les tue[1]. » D’autres, qui sont sauvages, farouches, indépendants, qui ne veulent être ni touchés ni caressés, qu’il faut laisser tranquilles, et qu’on ne peut gouverner ni traiter comme les autres : pour peu qu’on se mêle de leur ménage, ils refusent de produire ; il ne faut ni toucher à leur cabane, ni ôter les œufs, et ce n’est qu’en les laissant vivre à leur fantaisie qu’ils s’uniront et produiront. Il y en a d’autres enfin qui sont très paresseux : par exemple les gris ne font presque jamais de nid, il faut que celui qui les soigne fasse leur nid pour eux, etc. Tous ces caractères sont, comme l’on voit, très distincts entre eux et très différents de celui de nos serins favoris, toujours gais, toujours chantants, si familiers, si aimables, si bons maris, si bons pères, et en tout d’un caractère si doux, d’un naturel si heureux, qu’ils

    couver vous les lâcherez toutes deux dans une même cabane, et quand le temps de les accoupler sera venu vous mettrez ce mâle avec les deux femelles ; il ne manquera pas de vouloir les battre, surtout les premiers jours qu’il sera avec elles ; mais les femelles se mettant toutes deux en défense contre lui, elles prendront certainement par la suite un empire absolu sur lui, en sorte que, ne pouvant rien gagner par la force, il s’apprivoisera si bien en peu de temps avec ces deux femelles qu’il les vaincra enfin par la douceur. Ces sortes de mariages forcés réussissent souvent mieux que d’autres dont on attendait beaucoup et qui souvent ne produisent rien. Pour conserver la couvée, il faut dans ce cas ôter le premier œuf que la femelle aura pondu et en mettre un d’ivoire à la place ; le lendemain vous ferez de même, ôtant toujours l’œuf dans le même instant que la femelle vient de le pondre pour que le mâle n’ait pas le temps de le casser ; lorsqu’elle aura pondu son dernier œuf, elle n’aura plus besoin de son mâle que vous enfermerez dans une cage séparée, laissant couver les œufs à la femelle. Le mâle restera dans sa cage au milieu de la cabane pendant tout le temps que la femelle couvera ses œufs et qu’elle nourrira ses petits, mais aussitôt qu’on aura ôté les petits pour les élever à la brochette, vous lâcherez le prisonnier et le rendrez à la femelle. Traité des serins des Canaries, p. 117 et suivantes.

  1. Il y a des mâles d’un tempérament faible, indifférents pour les femelles, toujours malades après la nichée ; il ne faut pas les apparier, car j’ai remarqué que les petits leur ressemblent. Il y en a d’autres si pétulants qu’ils battent leur femelle pour la faire sortir du nid, et l’empêchent de couver : ceux-ci sont les plus robustes, les meilleurs pour le chant, et souvent les plus beaux pour le plumage et les plus familiers ; d’autres cassent les œufs et tuent leurs petits pour jouir plus tôt de leur femelle, d’autres ont une sympathie singulière qui a l’air du choix et d’une préférence marquée. Un mâle, mis avec vingt femelles, en choisit une ou deux qu’il suit partout, qu’il embecque et auxquelles il demeure constamment attaché sans se soucier des autres. Ceux-ci sont de bon naturel et le communiquent à leur progéniture. D’autres ne sympathisent avec aucune femelle et demeurent inactifs et stériles. On trouve dans les femelles comme dans les mâles la même différence pour le caractère et pour le tempérament. Les femelles jonquilles sont les plus douces ; les agates sont remplies de fantaisies et souvent quittent leurs petits pour se donner au mâle ; les femelles panachées sont assidues sur leurs œufs et bonnes à leurs petits, mais les mâles panachés étant les plus ardents de tous les canaris, ont besoin de deux et même de trois femelles, si l’on veut les empêcher de les chasser du nid et de casser les œufs. Ceux qui sont entièrement jonquilles ont à peu près la même pétulance et il leur faut aussi deux ou trois femelles. Les mâles agate sont les plus faibles, et les femelles de cette race meurent assez souvent sur les œufs. (Note communiquée par le R. P. Bougot.)