Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome VI.djvu/181

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vifs, fort gais, en un mot très disposés à se naturaliser dans cette terre étrangère et à y perpétuer leur race[1]. Il faut espérer que ces nouveaux colons, dont le plumage est si variable, éprouveront aussi l’influence du climat américain, et qu’il en résultera de nouvelles variétés, plus propres toutefois à orner nos Cabinets qu’à enrichir l’histoire naturelle.

Les bengalis sont des oiseaux familiers et destructeurs, en un mot, de vrais moineaux ; ils s’approchent des cases, viennent jusqu’au milieu des villages, et se jettent par grandes troupes dans les champs semés de millet[2], car ils aiment cette graine de préférence : ils aiment aussi beaucoup à se baigner.

On les prend au Sénégal, sous une calebasse qu’on pose à terre, la soulevant un peu, et la tenant dans cette situation par le moyen d’un support léger auquel est attaché une longue ficelle : quelques grains de millet servent d’appât ; les sénégalis accourent pour manger le millet ; l’oiseleur, qui est à portée de tout voir sans être vu, tire la ficelle à propos, et prend tout ce qui se trouve sous la calebasse, bengalis, sénégalis, petits moineaux noirs à ventre blanc, etc.[3]. Ces oiseaux se transportent assez difficilement, et ne s’accoutument qu’avec peine à un autre climat ; mais une fois acclimatés, ils vivent jusqu’à six ou sept ans, c’est-à-dire autant et plus que certaines espèces du pays : on est même venu à bout de les faire nicher en Hollande ; et sans doute on aurait le même succès dans des contrées encore plus froides car ces oiseaux ont les mœurs très douces et très sociables : ils se caressent souvent, surtout les mâles et les femelles, se perchent très près les uns des autres, chantent tous à la fois, et mettent de l’ensemble dans cette espèce de chœur. On ajoute que le chant de la femelle n’est pas fort inférieur à celui du mâle[4].


LE BENGALI[5]

Les mœurs et les habitudes de toute cette famille d’oiseaux étant à très peu près les mêmes, je me contenterai, dans cet article et les suivants, d’ajouter

  1. Il y a quelques années que l’on tua un sénégali rouge à Cayenne dans une savane : sans doute il y avait été transporté de même par quelques voyageurs.
  2. Les voyageurs nous disent que les Nègres mangent certains petits oiseaux tout entiers avec leurs plumes, et que ces oiseaux ressemblent aux linottes. Je soupçonne que les sénégalis pourraient bien être du nombre ; car il y a des sénégalis qui, au temps de la mue, ressemblent aux linottes ; d’ailleurs, on prétend que les Nègres ne mangent ainsi ces petits oiseaux tout entiers, que pour se venger des dégâts qu’ils font dans leurs grains, au milieu desquels ils ne manquent pas d’établir leurs nids.
  3. Je dois le détail de cette petite chasse à M. de Sonnini.
  4. Ces notes m’ont été données par le sieur Château, père.
  5. « Passer supernè griseus, infernè dilutè cæruleus ; maculâ infra oculos purpureâ : uropygio et rectricibus dilutè cæruleis… Bengalus », le bengali. Brisson, t. III, p. 203. —