LE ROSSIGNOL. 461
quelquefois les cages ouvertes afin qu’ils fassent connaissance avec le cabinet, la leur ouvrant tout à fait au mois d’avril pour ne la plus fermer, et leur fournissant alors les matériaux qu’ils ont coutume d’employer à leurs nids, tels que feuilles de chêne, mousse, chiendent épluché, bourre de cerf, des crins, de la terre, de l’eau ; mais on aura soin de retirer l’eau quand la femelle couvera (a). On a aussi cherché le moyen d’établir des rossignols dans un endroit où il n’y en a point encore eu ; pour cela on tâche de prendre le père, la mère, et toute la couvée avec le nid ; on transporte ce nid dans un site qu’on aura choisi le plus semblable à celui d’où on l’aura enlevé ; on tient les deux cages qui renferment le père et la mère à portée des petits, jusqu’à ce qu’ils aient entendu leur cri d’appel, alors on leur ouvre la cage sans se montrer ; le mouvement de la nature les porte droit au lieu où ils ont entendu crier leurs petits ; ils leur donnent tout de suite la becquée, ils continueront de les nourrir tant qu’il sera nécessaire, et l’on prétend que l’année suivante ils reviendront au même endroit (b) : ils y reviendront, sans doute, s’ils y trouvent une nourriture convenable et les commodités pour nicher, car sans cela tous les autres soins seraient à pure perte, et avec cela ils seront à peu près superflus (c).
Si l’on veut élever soi-même de jeunes rossignols, il faut préférer ceux de la première ponte, et leur donner tel instituteur que l’on jugera à propos ; mais les meilleurs, à mon avis, ce sont d’autres rossignols, surtout ceux qui chantent le mieux.
Au mois d’août les vieux et les jeunes quittent les bois pour se rapprocher des buissons, des haies vives, des terres nouvellement labourées, où ils trouvent plus de vers et d’insectes : peut-être aussi ce mouvement général a-t-il quelque rapport à leur prochain départ ; il n’en reste point en France pendant l’hiver, non plus qu’en Angleterre, en Allemagne, en Italie, en Grèce, etc. (d) ; et comme on assure qu’il n’y en a point en Afrique (e), on peut juger qu’ils se retirent en Asie (f). Cela est d’autant plus vraisemblable que l’on en trouve en Perse, à la Chine et même au Japon, où ils sont fort recherchés, puisque ceux qui ont la voix belle s’y vendent, dit-on, vingt cobangs (g). Ils sont généralement répandus dans toute l’Europe, jusqu’en
(a) Voyez le Traité du Rossignol, p. 96.
(b) Idem, p. 105.
(c) Lorsqu’il y a dans un endroit nourriture abondante et commodités pour nicher, on a beau prendre ou détruire les rossignols, il en revient toujours d’autres, dit M. Frisch.
(d) Le rossignol disparaît en automne, et ne reparaît qu’au printemps, dit Aristote, Hist. animal., lib. v, cap. ix.
(e) Voyez le Traité du Rossignol, p. 21. A la vérité, le voyageur Le Maire parle d’un rossignol du Sénégal (Voyage aux Canaries, etc., p. 104), mais qui ne chante pas si bien que le nôtre.
(f) Voyez Olina, Uccelleria, p. 1. Ils se trouvent dans les saussaies et parmi les oliviers de Judée. Hasselguist.
(g) Kæmpfer, Hist. du Japon, t. Ier, p. 13. Le cobang vaut quarante taels, le tael cin-