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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome VI.djvu/491

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LE ROSSIGNOL. 465

maigres ; enfin, que les araignées étaient pour eux un purgatif : on conseille de leur faire prendre tous les ans ce purgatif au mois d’avril ; une demi- douzaine d’araignées sont la dose ; on recommande aussi de ne leur rien donner de salé.

Lorsqu’ils ont avalé quelque chose d’indigeste, ils le rejettent sous la forme de pilules ou de petites pelotes, comme font les oiseaux de proie, et ce sont en effet des oiseaux de proie très petits, mais très féroces, puisqu’ils ne vivent que d’êtres vivants. Il est vrai que Belon admire la providence qu’ils ont de n’avaler aucun petit verni qu’ils ne l’aient premièrement fait mourir ; mais c’est apparemment pour éviter la sensation désagréable que leur causerait une proie vivante, et qui pourrait continuer de vivre dans leur estomac à leurs dépens.

Tous les pièges sont bons pour les rossignols : ils sont peu défiants, quoique assez timides ; si on les lâche dans un endroit où il y a d’autres oiseaux en cage, ils vont droit à eux, et c’est un moyen, entre beaucoup d’autres, pour les attirer ; le chant de leurs camarades, le son des instruments de musique, celui d’une belle voix, comme on l’a vu plus haut, et même des cris désagréables, tels que ceux d’un chat attaché au pied d’un arbre et que l’on tourmente exprès, tout cela les fait venir également ; ils sont curieux, et même badauds ; ils admirent tout, et sont dupes de tout (a) ; on les prend à la pipée, aux gluaux, avec le trébuchet des mésanges, dans des regin- glettes tendues sur de la terre nouvellement remuée (b), où l’on a répandu des nymphes de fourmis, des vers de farine, ou bien ce qui y ressemble, comme de petits morceaux de blancs d’œufs durcis, etc. Il faut avoir l’atten- tion de faire ces reginglettes et autres pièges de même genre avec du taffetas, et non avec du filet, où leurs plumes s’embarrasseraient, et où ils en pour- raient perdre quelques-unes, ce qui retarderait leur chant ; il faut au con- traire, pour l’avancer au temps de la mue, leur arracher les pennes de la queue, afin que les nouvelles soient plus tôt revenues ; car tant que la nature travaille à reproduire ces plumes, elle leur interdit le chant.

Ces oiseaux sont fort bons à manger lorsqu’ils sont gras, et le disputent aux ortolans ; on les engraisse en Gascogne pour la table ; cela rappelle la fantaisie d’Héliogabale, qui mangeait des langues de rossignols, de paons, etc., et le plat fameux du comédien Ésope, composé d’une centaine d’oiseaux tous recommandables par leur talent de chanter ou par celui de parler (c).

(a) Avis miratrix, dit M. Linnæus.

(b) Quelquefois ils se trouvent en très grand nombre dans un pays. Belon a été témoin que, dans un village de la forêt d’Ardenne, les petits bergers en prenaient tous les jours chacun une vingtaine, avec beaucoup d’autres petits oiseaux ; c’était une année de sécheresse, « et toutes les mares, dit Belon, étaient taries ailleurs... car ils se tiennent adonc dedans les forêts, en l’endroit où est l’humeur. »

(c) Pline, lib. x, cap. li. Ce plat fut estimé six cents sesterces. Aldrovande a aussi mangé des rossignols et les a trouvés bons.