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LE COU-JAUNE. 495

s’éclaircit en descendant vers le cou, et se change en gris foncé sur les plumes du dos ; une ligne blanche qui couronne l’œil, se joint à une petite moucheture jaune placée entre l’œil et le bec ; le ventre est blanc, et les flancs sont grivelés de blanc et de gris noir ; les couvertures des ailes sont mouchetées de noir et de blanc par bandes horizontales ; on voit aussi de grandes taches blanches sur les pennes, dont le nombre est de seize à chaque aile, avec un petit bord gris blanc à l’extrémité des grandes barbes ; la queue est composée de douze pennes, dont les quatre extérieures ont de grandes taches blanches ; une peau écailleuse et fine, d’un gris verdâtre, couvre les pieds ; l’oiseau a quatre pouces neuf lignes de longueur, huit pouces de vol, et pèse un gros et demi.

Sous cette jolie parure on reconnaît dans le cou-jaune la figure et les proportions d’une fauvette ; il en a aussi les habitudes naturelles. Les bords des ruisseaux, les lieux frais et retirés près des sources et des ravines humides, sont ceux qu’il habite de préférence, soit que la température de ces lieux lui convienne davantage, soit que, plus éloignés du bruit, ils soient plus propres à sa vie chantante : on le voit voltiger de branche en branche, d’arbre en arbre, et tout en traversant les airs il fait entendre son ramage : il chasse aux papillons, aux mouches, aux chenilles, et cependant il entame, dans la saison, les fruits du goyavier, du sucrin, etc., apparemment pour chercher dans l’intérieur de ces fruits les vers qui s’y engendrent lorsqu’ils atteignent un certain degré de maturité. Il ne paraît pas qu’il voyage ni qu’il sorte de l’île de Saint-Domingue ; son vol, quoique rapide, n’est pas assez élevé, assez soutenu pour passer les mers (a), et on peut avec raison le regarder comme indigène dans cette contrée.

Cet oiseau, déjà très intéressant par la beauté et la sensibilité que sa voix exprime, ne l’est pas moins par son intelligence et la sagacité avec laquelle on lui voit construire et disposer son nid : il ne le place pas sur les arbres, à la bifurcation des branches, comme il est ordinaire aux autres oiseaux ; il le suspend à des lianes pendantes de l’entrelacs qu’elles forment d’arbre en arbre, surtout à celles qui tombent des branches avancées sur les rivières ou les ravines profondes ; il attache ou, pour mieux dire, enlace avec la laine le nid, composé de brins d’herbe sèche, de fibrilles de feuilles, de petites racines fort minces, tissues avec le plus grand art ; c’est proprement un petit matelas roulé en boule, assez épais et assez bien tissu partout pour n’être point percé par la pluie ; et ce matelas roulé est attaché au bout du cordon flottant de la liane, et bercé au gré des vents sans en recevoir d’atteinte.

(a) M. Deshaies compare ici le vol du cou-jaune à celui de l’oiseau qu’on nomme à Saint-Domingue de la Toussaint ; apparemment parce que c’est vers ce temps qu’il y arrive. « Il est à peu près, dit-il, de la corpulence du cou-jaune ; mais celui-ci est fort délicat en comparaison, et les muscles de ses ailes n’approchent point pour la force de ceux des ailes de l’oiseau de la Toussaint. »