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Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome VI.djvu/536

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508 ŒUVRES COMPLÈTES DE BUFFON.

les raisins et les figues, a pris de ce dernier fruit son nom plutôt que du premier (a), eût adopté celui qu’on lui donne en Bourgogne, où nous l’appe- lons vinette, parce qu’il fréquente les vignes et se nourrit de raisins ; cepen- dant, avec les figues et les raisins, on lui voit encore manger des insectes et la graine de mercuriale. On peut exprimer son petit cri par bzi, bzi ; il vole par élans, marche et ne saute point, court par terre dans les vignes, se relève sur les ceps et sur les haies des enclos. Quoique ces oiseaux ne se mettent en route que vers le mois d’août, et ne paraissent en troupes qu’alors dans la plupart de nos provinces, cependant on en a vu au milieu de l’été en Brie, où quelques-uns font apparemment leurs nids (b) ; dans leur passage ils vont par petits pelotons de cinq ou six ; on les prend au lacet ou au filet, au miroir en Bourgogne et le long du Rhône, où ils passent sur la fin d’août et en septembre.

C’est en Provence qu’ils portent à juste titre le nom de bec-figue ; on les voit sans cesse sur les figuiers, becquetant les fruits les plus mûrs ; ils ne les quittent que pour chercher l’ombre et l’abri des buissons et de la char- mille touffue ; on les prend en grand nombre, dans le mois de septembre, en Provence et dans plusieurs îles de la Méditerranée, surtout à Malte, où ils sont alors en prodigieuse quantité, et où l’on a remarqué qu’ils sont en beaucoup plus grand nombre à leur passage d’automne qu’à leur retour au printemps (c) : il en est de même en Chypre, où l’on en faisait autrefois commerce : on les envoyait à Venise dans des pots remplis de vinaigre et d’herbes odoriférantes (d) ; lorsque l’île de Chypre appartenait aux Vénitiens, ils en tiraient tous les ans mille ou douze cents pots remplis de ce petit gibier (e), et l’on connaissait généralement en Italie le bec-figue sous le nom d’oiseau de Chypre (Cyprias, uccelli di Cypro), nom qui lui fut donné jus- qu’en Angleterre, au rapport de Willughby (f).

Il y a longtemps que cet oiseau, excellent à manger, est fameux ; Apicius nomme plus d’une fois le bec-figue avec la petite grive, comme deux oiseaux également exquis. Eustathe et Athénée parlent de la chasse des bec-figues (g), et Hésychius donne le nom du filet avec lequel on prenait ces oiseaux dans la Grèce : à la vérité rien n’est plus délicat, plus fin, plus succulent que le

(a) Cùm me ficus alat, cùm pascar dulcibus uvis,

Cur potiùs nomen non dedit uva mihi ?

(Martial.)

(b) Note communiquée par M. Hébert.

(c) M. le chevalier de Mazy.

(d) Voyage de Pietro della Valle, t. VIII, p. 153. Il ajoute que dans quelques endroits, comme à Agia-nappa, ceux qui mangent des bec-figues s’en trouvent quelquefois incom- modés, à cause de la scammonée qu’ils becquètent dans les environs ; ils mangent aussi dans ces lies de l’Archipel les fruits du lentisque.

(e) Dapper, Description des îles de l’Archipel, p. 51.

(f) Cyprus-bird. Willughby, p. 163.

(g) Apud Gessner., p. 384.