522 ŒUVRES COMPLÈTES DE BUFFON.
et le rouge-bai de la poitrine du traquet est sa couleur la plus remarquable. Elle s’étend en s’affaiblissant jusque sous le ventre ; le dos, sur un fond d’un beau noir, est nué par écailles brunes, et cette disposition de couleur s’étend jusqu’au-dessus de la tête (a), où cependant le noir domine ; ce noir est pur sous la gorge, quoique traversé très légèrement de quelques ondes blan- ches, et il remonte jusque sous les yeux. Une tache blanche sur le côté du cou confine au noir de la gorge et au rouge bai de la poitrine ; les pennes de l’aile et de la queue sont noirâtres, frangées de brun ou de roussâtre clair ; sur l’aile près du corps est une large ligne blanche, et le croupion est de cette même couleur ; toutes ces teintes sont plus fortes et plus foncées dans le vieux mâle que dans le jeune ; la queue est carrée et un peu étalée ; le bec est effilé et long de sept lignes ; la tête assez arrondie et le corps ramassé ; les pieds sont noirs, menus et longs de dix lignes ; il a sept pouces et demi de vol, et quatre pouces dix lignes de longueur totale : dans la femelle, la poitrine est d’un roussâtre sale ; cette couleur, se mêlant à du brun sur la tête et le dessus du corps, a du noirâtre sur les ailes, et se fond dans du blanchâtre sous le ventre et à la gorge, ce qui rend le plumage de la femelle triste, décoloré et beaucoup moins distinct que celui du mâle.
Le traquet fait son nid dans les terrains incultes, au pied des buissons, sous leurs racines ou sous le couvert d’une pierre (b) ; il n’y entre qu’à la dérobée, comme s’il craignait d’être aperçu ; aussi ne trouve-t-on ce nid que difficilement (c) ; il le construit dès la fin de mars (d). La femelle pond cinq ou six œufs d’un vert bleuâtre, avec de légères taches rousses peu appa- rentes, mais plus nombreuses vers le gros bout ; le père et la mère nour- rissent leurs petits de vers et d’insectes qu’ils ne cessent de leur apporter ; il semble que leur sollicitude redouble lorsque ces jeunes oiseaux s’élancent
(a) « On lui voit le dessus de la tête noir comme au pivoine, qui fut cause que l’ayons quelquefois soupçonné melancoryphus, joint que ce qui nous augmentoit l’opinion, est que le vulgaire, au mont Ida de Crète, le nomme melancocephali. » Belon, loc. cit.
(b) « Le pied-noir (traquet) fait son nid dans des endroits cachés ; j’en ai trouve un collé contre une roche, à deux pieds de terre, dans lequel il y avait cinq petits couverts d’un duvet noir. Ce nid était caché par un houx, et le père et la mère ne s’épouvantaient pas des bes- tiaux qui en approchaient ; mais ils criaient beaucoup de dessus des arbres prochains lorsque j’y allais. » (Note communiquée par M. le marquis de Piolenc.)
(c) « Ils font leur nid si finement et y vont et en sortent si secrètement, qu’on a moult grand peine à le trouver. Il fait grand nombre de petits, lesquels il abèche des animaux en vie. » Belon, Nat. des oiseaux, p. 360. — « Le nid du traquet est très difficile à découvrir, parce que les détours qu’il fait, soit pour en sortir, soit pour y entrer, surtout dans le temps où il a des petits, en rendent la recherche presque toujours infructueuse ou inutile. Il n’y entre jamais qu’après avoir passé au travers de quelques buissons du voisinage, et, lorsqu’il en sort, il file de même dans les buissons jusqu’à une petite distance. On imaginerait, en voyant cet oiseau entrer brusquement dans une broussaille et ayant dans le bec un ver ou un in- secte, qu’il porte à ses petits, que son nid doit se trouver dans cet endroit, mais on y cherche en vain, et ce n’est qu’au pied des buissons voisins qu’on peut espérer de le trouver. » (Note communiquée par le sieur Trécourt.)
(d) Nid trouvé à Montbard le 30 mars.