640 ŒUVRES COMPLÈTES DE BUFFON.
parfumée naturellement, elle exhale une odeur agréable qu’elle contracte sur les genévriers (a) et autres arbres ou arbrisseaux résineux sur lesquels elle se tient presque toujours ; et ces avantages, qui semblent appartenir exclusivement au luxe de la société, et dont il paraît si difficile de jouir sans témoins, elle sait en jouir individuellement et dans la solitude la plus sau- vage, moins pleinement peut-être, mais à coup sûr plus tranquillement. Les forêts et les bruyères, surtout celles où il y a des genévriers et des sapins, sont le séjour qui lui plaît ; elle y vit seule et fuit la compagnie des autres oiseaux, même de ceux de son espèce (b) ; celle de l’homme, comme on peut croire, n’a pas plus d’attrait pour elle, et il faut avouer qu’elle en est plus heureuse ; sa retraite, sa défiance, la sauvent des pièges de l’oiseleur ; on la prend rarement dans les trébuchets, et lorsqu’on en prend quelqu’une on ne gagne qu’un cadavre inutile : elle refuse constamment la nourriture, et quelque art que l’on ait mis à adoucir son esclavage, à tromper son goût pour la liberté, on n’a pu encore la déterminer à vivre dans la prison. Tout cela explique pourquoi elle n’est pas bien connue ; on sait seulement qu’elle se nourrit, dans sa chère solitude, des insectes qu’elle trouve sur les arbres ou qu’elle attrape en volant, et qu’elle a le principal caractère des mésanges, la grande fécondité.
De toutes les provinces de France, la Normandie est celle où elle est le plus commune ; on ne la connaît, dit M. Salerne, ni dans l’Orléanais, ni aux environs de Paris. Belon n’en a point parlé, non plus qu’Olina, et il paraît qu’Aldrovande ne l’avait jamais vue ; en sorte que la Suède d’une part et de l’autre le nord de la France semblent être les dernières limites de ses excursions.
Elle a la gorge noire, le front blanc ainsi que les joues, et ce blanc des joues est encadré dans un collier noir assez délié, qui part des deux côtés de la plaque noire de la gorge, et remonte en se courbant vers l’occiput ; une bande noire verticale derrière l’œil ; le dessous du corps blanchâtre, les flancs d’un roux clair, les dessus du corps d’un gris roux ; le fond des plumes noir, les pennes de la queue grises et celles des ailes brunes, toutes bordées de gris roux, excepté les grandes des ailes qui le sont en partie de blanc sale ; le bec noirâtre et les pieds de couleur plombée.
dicans ; cristâ ex albido et nigro variâ ; tæniâ ponè oculos nigrâ ; tæniâ arcuatâ nigrâ, genarum partem infimam cingente ; gutture nigro ; rectricibus griseis, oris exterioribus griseo-rufescentibus, » Parus cristatus, la mésange huppée. Brisson, t. III, p. 558. — Mésange coiffée, à bouquet, à pennache ; mésange crêtée, huppée, chaperonnée. Salerne, Hist. nat. des oiseaux, p. 216.
(a) « Avicula elegantissima tùm ex subviridi cristâ, tùm ob odorem juniperinum quem exhalat, insignis. » Charleton, à l’endroit cité.
(b) C’est l’avis de M. Frisch, confirmé par celui de M. le vicomte de Querhoënt ; cepen- dant je ne dois pas dissimuler que, selon Rzaczynski, la mésange huppée va par troupes, mais son autorité ne peut balancer celle des deux autres observateurs : Rzaczynski ajoute que l’automne on prend beaucoup de ces oiseaux dans les montagnes.