648 ŒUVRES COMPLÈTES DE BUFFON.
Au printemps, le mâle a un chant ou cri d’amour, guiric, guiric, qu’il répète souvent : c’est ainsi qu’il rappelle sa femelle ; celle-ci se fait rappe- ler, dit-on, fort longtemps avant de venir, mais enfin elle se rend aux em- pressements du mâle, et tous deux travaillent à l’arrangement du nid ; ils l’établissent dans un trou d’arbre (a), et s’ils n’en trouvent pas qui leur con- viennent, ils en fond un à coups de bec, pourvu que le bois soit vermoulu : si l’ouverture extérieure de ce trou est trop large, ils la rétrécissent avec de la terre grasse, quelquefois même avec des ordures qu’ils gâchent et façonnent, dit-on, comme ferait un potier, fortifiant l’ouvrage avec de petites pierres : d’où leur est venu le nom de pic-maçon et celui de torche-pot, nom qui, pour le dire en passant, ne présente pas une idée bien claire de son origine (b).
Le nid étant ainsi arrangé, ceux qui le regardent par dehors n’imagine- raient pas qu’il recelât des oiseaux ; la femelle y pond cinq, six et jusqu’à sept œufs de forme ordinaire, fond blanc sale, pointillé de roussâtre ; elle les dépose sur de la poussière de bois, de la mousse, etc. ; elle les couve avec beaucoup d’assiduité, et elle y est tellement attachée qu’elle se laisse arracher les plumes plutôt que de les abandonner : si l’on fourre une ba- guette dans son trou, elle s’enflera, elle sifflera comme un serpent, ou plutôt comme ferait une mésange en pareil cas : elle ne quitte pas même ses œufs pour aller à la pâture, elle attend que son mâle lui apporte à manger, et ce mâle paraît remplir ce devoir avec affection : l’un et l’autre ne vivent pas seulement de fourmis comme les pics, mais de chenilles, de scarabées, de cerfs-volants et de toutes sortes d’insectes, indépendamment des noix, noi- settes, etc. (c). Aussi la chair de leurs petits, lorsqu’ils sont gras, est-elle un bon manger, et ne sent point la sauvagine comme celle des pics.
Les petits éclosent au mois de mai (d) : lorsque l’éducation est finie, il est rare que les père et mère recommencent une seconde ponte, mais ils se se séparent pour vivre seuls pendant l’hiver, chacun de son côté. « Les pay- sans ont observé, dit Belon, que le mâle bat sa femelle quand il la trouve lorsqu’elle s’est départie de lui, dont ils ont fait un proverbe pour un qui se conduit sagement en ménage, qu’il ressemble au torche-pot ; » mais quoi qu’il en soit de la sagesse des maris, je ne crois point que dans ce cas
(a) Quelquefois dans un trou de muraille ou sous un toit, dit M. Linnæus.
(b) Ce nom vient du nom bourguignon torche-poteux, qui signifie à la lettre torche-pertuis, et convient assez bien à notre oiseau, à cause de l’art avec lequel il enduit et resserre l’ou- verture du trou où il niche. Ceux qui ne connaissaient pas le patois bourguignon auront fait de ce nom celui de torche-pot, qui peut-être ensuite aura donné lieu de comparer l’ouvrage de la sittelle à celui d’un potier de terre.
(c) J’ai nourri une femelle pendant six semaines du chènevis que d’autres oiseaux lais- saient tomber tout cassé. On a remarqué en effet que la sittelle se jette dans les chènevières vers le mois de septembre.
(d) J’en ai vu d’éclos dès le 10, et j’ai vu des œufs qui ne l’étaient pas encore le 15 et plus tard.