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Manière de traiter

qu’une voie pour arriver à un but, nous nous persuadons que la Nature fait et opère tout par les mêmes moyens et par des opérations semblables ; cette manière de penser a fait imaginer une infinité de faux rapports entre les productions naturelles, les plantes ont été comparées aux animaux, on a cru voir végéter les minéraux, leur organisation si différente, et leur mécanique si peu ressemblante a été souvent réduite à la même forme. Le moule commun de toutes ces choses si dissemblables entr’elles, est moins dans la Nature que dans l’esprit étroit de ceux qui l’ont mal connue, et qui savent aussi peu juger de la force d’une vérité, que des justes limites d’une analogie comparée. En effet, doit-on, parce que le sang circule, assurer que la sève circule aussi ? doit-on conclure de la végétation connue des plantes à une pareille végétation dans les minéraux, du mouvement du sang à celui de la sève, de celui de la sève au mouvement du suc pétrifiant ? n’est-ce pas porter dans la réalité des ouvrages du Créateur, les abstractions de notre esprit borné, et ne lui accorder, pour ainsi dire, qu’autant d’idées que nous en avons ? Cependant on a dit, et on dit tous les jours des choses aussi peu fondées, et on bâtit des systèmes sur des faits incertains, dont l’examen n’a jamais été fait, et qui ne servent qu’à montrer le penchant qu’ont les hommes à vouloir trouver de la ressemblance dans les objets les plus différents, de la régularité où il ne règne que de la variété, et de l’ordre dans les choses qu’ils n’aperçoivent que confusément.