Page:Buffon - Histoire naturelle, 1st edition, vol. 1, 1749.djvu/59

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volumes remplis de descriptions & d’observations de toute espèce, c’est l’abrégé le plus sçavant qui ait jamais été fait, si la science est en effet l’histoire des faits : & quand même on supposeroit qu’Aristote auroit tiré de tous les livres de son temps ce qu’il a mis dans le sien, le plan de l’ouvrage, sa distribution, le choix des exemples, la justesse des comparaisons, une certaine tournure dans les idées, que j’appellerois volontiers le caractère philosophique, ne laissent pas douter un instant qu’il ne fût lui-même bien plus riche que ceux dont il auroit emprunté.

Pline a travaillé sur un plan bien plus grand, & peut-être trop vaste, il a voulu tout embrasser, & il semble avoir mesuré la Nature & l’avoir trouvé trop petite encore pour l’étendue de son esprit ; son Histoire Naturelle comprend, indépendamment de l’histoire des animaux, des plantes & des minéraux, l’histoire du ciel & de la terre, la médecine, le commerce, la navigation, l’histoire des arts libéraux & méchaniques, l’origine des usages, enfin toutes les sciences naturelles & tous les arts humains ; & ce qu’il y a d’étonnant, c’est que dans chaque partie Pline est également grand, l’élévation des idées, la noblesse du style relèvent encore sa profonde érudition ; non seulement il sçavoit tout ce qu’on pouvait sçavoir de son temps, mais il avoit cette facilité de penser en grand qui multiplie la science, il avoit cette finesse de réflexion de laquelle dépendent l’élégance & le goût, & il communique à ses lecteurs une certaine liberté d’esprit, une hardiesse de penser qui est le germe de la