Examinons donc ce que nous pouvons sçavoir de science évidente ou certaine, après quoi nous verrons ce que nous ne pouvons connoître que par conjecture, & enfin ce que nous devons ignorer.
Nous savons ou nous pouvons sçavoir de science évidente toutes les propriétés ou plûtôt tous les rapports des nombres, des lignes, des surfaces & de toutes les autres quantités abstraites ; nous pourrons les sçavoir d’une manière plus compléte à mesure que nous nous exercerons à résoudre de nouvelles questions, & d’une manière plus sûre à mesure que nous rechercherons les causes des difficultés. Comme nous sommes les créateurs de cette science, & qu’elle ne comprend absolument rien que ce que nous avons nous-mêmes imaginé, il ne peut y avoir ni obscurités ni paradoxes qui soient réels ou impossibles, & on en trouvera toûjours la solution en examinant avec soin les principes supposez, & en suivant toutes les démarches qu’on a faites pour y arriver ; comme les combinaisons de ces principes & des façons de les employer sont innombrables, il y a dans les Mathématiques un champ d’une immense étendue de connoissances acquises & à acquerir, que nous serons toûjours les maîtres de cultiver quand nous voudrons, & dans lequel nous recueillerons toûjours la même abondance de vérités.
Mais ces vérités auroient été perpétuellement de pure spéculation, de simple curiosité & d’entière inutilité, si on n’avoit pas trouvé les moyens de les associer aux vérités physiques ; avant que de considérer les avantages