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THÉORIE DE LA TERRE.

montagnes dans des fleuves, qui portent à leur tour cette terre superflue dans la mer ? Ainsi peu à peu le fond des mers se remplit, la surface des continents s’abaisse et se met de niveau, et il ne faut que du temps pour que la mer prenne successivement la place de la terre.

Je ne parle point de ces causes éloignées qu’on prévoit moins qu’on ne les devine, de ces secousses de la nature dont le moindre effet seroit la catastrophe du monde : le choc ou l’approche d’une comète, l’absence de la lune, la présence d’une nouvelle planète, etc., sont des suppositions sur lesquelles il est aisé de donner carrière à son imagination ; de pareilles causes produisent tout ce qu’on veut, et d’une seule de ces hypothèses on va tirer mille romans physique, que leurs auteurs appelleront Théorie de la terre. Comme historiens, nous nous refusons à ces vaines spéculations ; elles roulent sur des possibilités qui, pour se réduire à l’acte, supposent un bouleversement de l’univers, dans lequel notre globe, comme un point de matière abandonnée, échappe à nos yeux, et n’est plus un objet digne de nos regards : pour les fixer, il faut le prendre tel qu’il est, en bien observer toutes les parties, et, par des inductions, conclure du présent au passé. D’ailleurs, des causes dont l’effet est rare, violent, et subit, ne doivent pas nous toucher ; elles ne se trouvent pas dans la marche ordinaire de la nature : mais des effets qui arrivent tous les jours, des mouvements qui se succèdent et se renouvellent sans interruption, des opérations constantes et toujours réitérées, ce sont là nos causes et nos raisons.