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ART. X. FLEUVES.

dans un pays voisin de la mer, ils suivoient le bord d’une grande rivière ; et que quand la direction de la rivière étoit droite dans une longueur de quinze ou vingt lieues, ils jugeoient qu’ils étoient fort loin de la mer : qu’au contraire, si la rivière avoit des sinuosités, et changeoit souvent de direction dans son cours, ils étoient assurés de n’être pas fort éloignés de la mer. M. Fabry a vérifié lui-même cette remarque, qui lui a été fort utile dans ses voyages, lorsqu’il parcouroit des pays inconnus et presque inhabités. Il y a encore une remarque qui peut être utile en pareil cas ; c’est que, dans les grands fleuves, il y a, le long des bords, un remous considérable, et d’autant plus considérable qu’on est moins éloigné de la mer et que le lit du fleuve est plus large ; ce qui peut encore servir d’indice pour juger si l’on est à de grandes ou à de petites distances de l’embouchure : et comme les sinuosités des fleuves se multiplient à mesure qu’ils approchent de la mer, il n’est pas étonnant que quelques unes de ces sinuosités venant à s’ouvrir, forment des bouches par où une partie des eaux du fleuve arrive à la mer ; et c’est une des raisons pourquoi les grands fleuves se divisent ordinairement en plusieurs bras pour arriver à la mer.

Le mouvement des eaux dans le cours des fleuves se fait d’une manière fort différente de celle qu’ont supposée les auteurs qui ont voulu donner des théories mathématiques sur cette matière : non seulement la surface d’une rivière en mouvement n’est pas de niveau en la prenant d’un bord à l’autre, mais même, selon les circonstances, le courant qui est dans le milieu est considérablement plus élevé on plus bas que