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Page:Buffon - Oeuvres completes, 1829, T02.djvu/106

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THÉORIE DE LA TERRE.

l’eau qui est près des bords. Lorsqu’une rivière grossit subitement par la fonte des neiges, ou lorsque, par quelque autre cause, sa rapidité augmente, si la direction de la rivière est droite, le milieu de l’eau, où est le courant, s’élève, et la rivière forme une espèce de courbe convexe ou d’élévation très sensible, dont le plus haut point est dans le milieu du courant. Cette élévation est quelquefois fort considérable ; et M. Hupeau, habile ingénieur des ponts-et-chaussées, m’a dit avoir un jour mesuré cette différence de niveau de l’eau du bord de l’Aveyron, et de celle du courant, ou du milieu de ce fleuve, et avoir trouvé trois pieds de différence ; en sorte que le milieu de l’Aveyron étoit de trois pieds plus élevé que l’eau du bord. Cela doit en effet arriver toutes les fois que l’eau aura une très grande rapidité : la vitesse avec laquelle elle est emportée diminuant l’action de sa pesanteur, l’eau qui forme le courant ne se met pas en équilibre par tout son poids avec l’eau qui est près des bords ; et c’est ce qui fait qu’elle demeure plus élevée que celle-ci. D’autre côté, lorsque les fleuves approchent de leur embouchure, il arrive assez ordinairement que l’eau qui est près des bords est plus élevée que celle du milieu, quoique le courant soit rapide ; la rivière paroît alors former une courbe concave dont le point le plus bas est dans le plus fort du courant : ceci arrive toutes les fois que l’action des marées se fait sentir dans un fleuve. On sait que dans les grandes rivières le mouvement des eaux occasioné par les marées est sensible à cent ou deux cents lieues de la mer ; on sait aussi que le courant du fleuve conserve son mouvement au milieu des