Page:Buffon - Oeuvres completes, 1829, T01.djvu/103

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
19
DISCOURS ACADÉMIQUES.

Il vous a préposé, monsieur, à cette éducation si chère, certain que ses augustes enfants vous aimeroient, puisque vous êtes universellement aimé… Universellement aimé : à ce seul mot, que je ne crains point de répéter, vous sentez, monsieur, combien je pourrois étendre, élever mes éloges ; mais je vous ai promis d’avance toute la discrétion que peut exiger la délicatesse de votre modestie. Je ne puis néanmoins vous quitter encore, ni passer sous silence un fait qui seul prouveroit tous les autres, et dont le simple récit a pénétré mon cœur ; c’est ce triste et dernier devoir que, malgré la douleur qui déchiroit votre âme, vous rendîtes avec tant d’empressement et de courage à la mémoire de M. le cardinal de La Rochefoucauld. Il vous avoit donné les premières leçons de la sagesse ; il avoit vu germer et croître vos vertus par l’exemple des siennes ; il étoit, si j’ose m’exprimer ainsi, le père de votre âme : et vous, monsieur, vous aviez pour lui plus que l’amour d’un fils, une constance d’attachement qui ne fut jamais altérée, une reconnoissance si profonde, qu’au lieu de diminuer avec le temps, elle a paru toujours s’augmenter pendant la vie de votre illustre ami, et que, plus vive encore après son décès, ne pouvant plus la contenir, vous la fîtes éclater en allant mêler vos larmes à celles de tout son diocèse, et prononcer son éloge funèbre, pour arracher au moins quelque chose à la mort en ressuscitant ses vertus.

Vous venez aussi, monsieur, de jeter des fleurs immortelles sur le tombeau du prélat auquel vous succédez. Quand on aime autant la vertu, on sait la reconnoître partout, et la louer sous toutes les faces