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Page:Buffon - Oeuvres completes, 1829, T01.djvu/134

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MANIÈRE D’ÉTUDIER

forment dans la suite des préjugés qui s’effacent difficilement.

C’est pour cela que j’ai dit qu’il falloit commencer par voir beaucoup : il faut aussi voir presque sans dessein, parce que si vous avez résolu de ne considérer les choses que dans une certaine vue, dans un certain ordre, dans un certain système, eussiez-vous pris le meilleur chemin, vous n’arriverez jamais à la même étendue de connoissance à laquelle vous pourrez prétendre si vous laissez dans les commencements votre esprit marcher de lui-même, se reconnoitre, s’assurer sans secours, et former seul la première chaîne qui représente l’ordre de ses idées.

Ceci est vrai, sans exception, pour toutes les personnes dont l’esprit est fait et le raisonnement formé : les jeunes gens, au contraire, doivent être guidés plus-tôt et conseillés à propos ; il faut même les encourager par ce qu’il y a de plus piquant dans la science, en leur faisant remarquer les choses les plus singulières, mais sans leur en donner d’explications précises ; le mystère à cet âge excite la curiosité, au lieu que dans l’âge mûr il n’inspire que le dégoût. Les enfants se lassent aisément des choses qu’ils ont déjà vues ; ils revoient avec indifférence, à moins qu’on ne leur représente les mêmes objets sous d’autres points de vue ; et au lieu de leur répéter simplement ce qu’on leur a déjà dit, il vaut mieux y ajouter des circonstances, même étrangères ou inutiles : on perd moins à les tromper qu’à les dégoûter.

Lorsqu’après avoir vu et revu plusieurs fois les choses, ils commenceront à se les représenter en gros, que d’eux-mêmes ils se feront des divisions, qu’ils