précieux à l’avarice ou au luxe ; et, lorsque M. de Buffon donna sa Théorie de la Terre, nos connoissances n’étoient même qu’une foible partie de celles que nous avons acquises, et qui sont si imparfaites encore. On pouvoit donc regarder comme téméraire l’idée de former dès lors une théorie générale du globe, puisque cette entreprise le seroit encore aujourd’hui. Mais M. de Buffon connoissoit trop les hommes pour ne pas sentir qu’une science qui n’offriroit que des faits particuliers, ou ne présenteroit des résultats généraux que sous la forme de simples conjectures, frapperoit peu les esprits vulgaires, trop foibles pour supporter le poids du doute. Il savoit que Descartes n’avoit attiré les hommes à la philosophie que par la hardiesse de ses systèmes ; qu’il ne les avoit arrachés au joug de l’autorité, à leur indifférence pour la vérité, qu’en s’emparant de leur imagination, en ménageant leur paresse ; et qu’ensuite, libres de leurs fers, livrés à l’avidité de connoître, eux-mêmes avoient su choisir la véritable route. Il avoit vu enfin, dans l’histoire des sciences, que l’époque de leurs grands progrès avoit presque toujours été celle des systèmes célèbres, parce que, ces systèmes exaltant à la fois l’activité de leurs adversaires et celle de leurs défenseurs, tous les objets sont alors soumis à une discussion dans laquelle l’esprit de parti, si difficile sur les preuves du parti contraire, oblige à les multiplier. C’est alors que chaque combattant, s’appuyant sur tous les faits reçus, ils sont tous soumis à un examen rigoureux ; c’est alors qu’ayant épuisé ces premières armes, on cherche de nouveaux faits pour s’en procurer de plus sûres et d’une trempe plus forte.
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XIII
PAR CONDORCET.